"Chantons la louange de Dieu, le
Père de notre Seigneur Jésus-Christ ! Dans sa grande bonté, il nous a fait
naître une deuxième fois en relevant Jésus-Christ de la mort. Nous avons ainsi
une espérance qui fait vivre" (Première lettre de Pierre 1:)

Au début des années 90's, les
groupes qui dessinaient les contours de ce qu'on appellerait plus tard
metal-core ou autre math-core n'étaient pas légion. Une poignée de groupes
confidentiels qui cherchaient à s’écarter de la tendance viriliste du gang de gros
lourdaud à casquette sous testostérone qu’était devenue la frange la plus
visible du hardcore punk. Leur propos sera plus viscéral, enragé et engagé le
tout servi par une exécution plus anguleuse, une technicité hors pair en
insufflant une bonne dose de métal. J’en oublierais forcément alors autant
citer les pionniers et grands oubliés de RORSCHACH (deux albums, deux pierres
d’achoppement). BOTCH ou CONVERGE évidemment, mais qui prendront quelques
années avant de décoller... Au mitan des années 90’s débarque DEADGUY, avec son
«Fixation on a Co-Worker », coup de pied dans la fourmilière en en forme
de patate chaude. Le groupe avait déjà sorti un EP sous pressé déjà alléchant,
mais avec l’arrivée de Keith HUCKINS (ex… RORSCHACH donc…) la dissonance
s’invite, propulsant le groupe dans la puissance ravageuse d’un chaos
rigoureusement organisé. La première minute d'écoute sur l'inaugural Doom
Patrol donne un aperçu de la déflagration dont les échos n'ont eu de cesse
d'influencer une tripotée de formations à commencer par des trucs comme
DILLINGER ESCAPE PLAN. Un EP un album en forme d'uppercut.
Puis rien.
Le groupe est tombé dans les oubliettes ou les bacs à
soldes depuis un bail. Tim Singer a donné de la gorge avec Keith HUCKINS (et la
section rythmique de RORSCHACH) dans l'éphémère KISS IT GOODBYE, ou encore dans
BITTER BRANCHES. Mais non : rien de plus et encore moins avec DEADGUY.
Puis une trentaine d'années plus tard, l'annonce inopinée d'un nouvel album tombe
sans prévenir. Avec un tel laps de temps on ne peut même plus parler de
come-back ou de reformation. Alors vaguement goguenard, on peut s'attendre à
l'insipide ou au pire.
Non.
D’emblée le groupe frappe fort avec un Kill Fee pied au plancher qu’écrasent littéralement les suivant Barn Burner et New Best Friend. Les gars se jouent de la pesanteur des années écoulées. Les hurlements de Tim SINGER sont intacts, les riffs restent vicieux et dissonants appuyés par une artillerie rythmique lourde : DEADGUY est réactivé. Les morceaux s’enchainent sur la corde raide, la rage contrôlée alternant parfois avec le groove rampant d’un Forever People ou The Long search for Perfect Timing. Il faut attendre le vague ralentissement de War With Stranger et sa progression
tendue implacable, faux temps calme de l’album, pour tenter de reprendre son
souffle.
Alors oui.
A l’instar de ce que j’avais pu écrire sur la réactivation
de JESUS LIZARD, DEADGUY joue bien du DEADGUY. C’est sans équivoque et surtout
sans aucun compromis. Les gars avaient visiblement encore quelques trucs à
cracher à la face du monde, avec le plaisir évident de le faire ensemble. Ils
jouent du DEADGUY revenu de tout dans un monde pourri qui n’a finalement pas
beaucoup évolué comme l’illustre la pochette intrigante (au logo dispensable.).
Bizarre d’évoquer cette bande de vétérans dans une époque où on trouve autant
de formations estampillées hardcore que de morpions dans la culotte d’un
chanoine. Sauf que ces gars-là ont précisément pavé la voie à toute cette descendance
mal assumée. Un disque sorti dans un anonymat relatif. Qui valait bien une
homélie bancale.
L'Un.
DEADGUY "Near-Death Travel Service" (Relapse. 2025)