"Voici, je me tiens à la porte, et je frappe. Si quelqu’un entend ma voix et ouvre la porte, j’entrerai chez lui, je souperai avec lui, et lui avec moi" (Apocalypse 3:20).
“I found my paddle around midnight” (D. YOW)
Puis la nouvelle est tombée en mai ou en juin dernier, sans faire trop de bruit au départ. Très vite, elle n’aura pas manqué d’affoler tous ceux qui pensaient à raison qu’il faudrait se contenter de souvenirs poussiéreux et de leurs galettes de vinyles usées ou autres cd’s rayés. Enfin quoi, c’est THE JESUS LIZARD fichtre : on perd un peu toute objectivité. Surtout quand on est un jeune quinquagénaire (et un futur ex vieux con). Alors à pointer le museau de la sorte sur notre planète noise-rock devenue plate après un bon quart de siècle de silence radio grésillant, autant dire qu’on les attend comme le Messie chaussé de santiags en peau de serpent… Histoire de voir ce qu’ils ont (encore) dans le cornet les vieux briscards.
Triste ironie d’un mauvais sort oblige, l’annonce d’un nouvel album en 4 lettres tombe quelques semaines après la disparition de leur vieux comparse Steve ALBINI (derrière les manettes du polyptique parfait PureGoatLiarDown…).
Marketing des temps modernes oblige, ce sera par petites touches de teasing putassier que se dévoilera RACK (: bah oui, c’est fini le label Touch&Go…). Du coup la chronique va s’étirer au rythme des singles.
Début juin : ce sera « Hide & Seek » donc.
Première écoute : on reste circonspect…
Deuxième écoute : pas mal quand même.
A la troisième écoute le « pas mal » s’efface. Le titre devient obsédant. La peau du lézard tanné retrouve toute sa souplesse. Cet art consommé du riff efficace retrouvé, les élucubrations nasillardes de David YOW. Et cette section rythmique à la fois mate et ronflante.
Début juillet, un « Alexis Feels Sick ». Plus introspectif et torturé, la poésie matoise de YOW en pleine forme.
L’effet teasing fonctionne à merveille.
Puis « Moto(r) » en août, sur un tempo enlevé et presque trop mélodique.
THE JESUS LIZARD semble réactivé et dépoussiéré, ignorant
crânement le hiatus de ces 26 années.
Après, si on oublie la malheureuse
aventure du dernier BLUE qui reste à part dans leur discographie, ce RACK
s’emble s’insérer dans la continuité de SHOT. Ou peut-être juste avant, avec ce
regain d’énergie brute et un son débarrassé des boursouflures d’une production
de l’ère mercantile de l’après ALBINI… (SHOT donc…). Bah oui, ça sonne un peu college-rock en
formation resserrée tout ça. Mais juste un peu. Légèrement plus formaté que les fulgurances
erratiques de leurs débuts, certes, mais what did you expect,
hein ? Déjà, dans une discographie qui s’étire, on ne pond pas un de ces chef d’œuvre pierre
angulaire emblématique d’un genre (voire d’une génération) tous les quatre matins… Il
y a peut-être une contradiction fondamentale dans les évolutions respectives
d’un groupe et de sa fan base hardcore; cette dernière à espérer secrètement
que le premier nous refile nos premiers frissons et affolements séminaux sans
changer quoi que ce soit dans la formule. Sauf qu’entretemps les musiciens ont
évolué en parallèle. Depuis le temps, hein…
Eh oui, le monde est divisé en deux mon vieux Tuco : il y a ceux qui, farouchement, pensent que c’était mieux avant, hein, à tranquillement idéaliser un passé pourtant révolu derrière leur couperose avinée, et de l’autre côté les inconditionnels aveuglés et transis qui suivront le groupe quitte à se noyer dans la rivière à grand coup de pipeau. Puis il doit bien exister une troisième division plus nuancée, à équidistance parfaite des deux précédentes (= moi ?!).
Alors non on n’aura pas forcément la démence larvée d’un PURE ou d’un GOAT, et peut-être pas non plus les embardées lyriques à fond les balloches d’un putain de LIAR (quoique…). Non. Mais on pépie néanmoins d’impatience parce qu’on sait désormais qu’à minima, avec ces 3 morceaux lâchés en orbite, on sera déjà rassasiés en ces temps de vaches maigres et rockers apathiquement pompeux. Allez, l’essai est presque transformé. Il ne nous reste qu’à découvrir la suite d’ici une bonne dizaine de jours.
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Ce vendredi 13, l’album dévoile enfin ses charmes. Et
conforte cette impression initiale : très orienté college-rock,
donc, efficace et à classer juste avant SHOT (donc). Pas trouvé d’autre morceau
aussi saillant que les trois singles à vrai dire. La patte du groupe est
intacte, son énergie aussi. On grapille des vieux plans sur-vitaminés à la… à
la JESUS LIZARD (Grind ou Falling Down…), mais l’essentiel des morceaux à
tendance à tourner en rond dans cette dynamique carrée. Un poil trop direct et
balisé, même si la balade étrangement flottante et tout en velours de What If illustre
parfaitement le contraire. Ce n’est pas un manque d’inspiration. On sent au
contraire un réel plaisir de jouer et surtout de se retrouver ; ça sonne très live
tout ça. Mais manque sûrement ce petit quelque chose en plus qui rendait
l’édifice instable et menaçant, à l’époque (dont un Alexis Feels Sick se
rapproche)… Ou une de ces reprises dont le groupe avait le secret (TRIO, CHROME
ou The DICKS…) Sempiternel album de la maturité alors ? Plutôt celui d’une
réunion entre quatre potes de toujours qui auraient pu au passage se contenter
de nommer cet album « PALS » tout simplement. Quatre lettres et un
réel plaisir, même mitigé. Classe.
L'Un.
The JESUS LIZARD "Rack" (Ipecac. 2024)