mercredi 19 juin 2024

STABBING JABS "s/t"

 

A force de nous ressasser que le rock est mort et bien froid depuis plus de 20 ans, on finit par le prendre pour acquis. C’est vrai que depuis la démission de Jon Spencer flanqué de son BLUES EXPLOSION qui était un peu le sommet fréquentable du truc, on avait perdu quelques repères et pas mal de certitudes…  Pendant ce temps-là le storytelling ambiant nous vendait un dernier queenofthestoneage comme le truc ultime – et bien propret - dans l’aventure rock, à l’image du flux continu et palot des productions contemporaines. Mais la Bête est toujours féconde, juste un peu reléguée dans une seconde zone qui ne lui déplait pas. Il est toujours là le rock, un peu punk certes. Le vrai, le gras, le velu, celui qui donne envie de se saouler comme dirait un pote. Et que ce soit à la bière bon marché, au bourgogne ou au mauvais bourbon, on va être servi avec ce STABBING JABS éponyme. Et dès la 1ère écoute, c’est pas faux de penser qu’on a là une vague resucée de CHROME CRANKS et son punk blues à la Crypt Records estampillé 90’s, vu que 2 des 4 gars de STABBING JABS en sont issus. Bonne nouvelle, la voix de Peter AARON n’a pas vraiment changé à toujours maltraiter de la sorte sa gorge et les membranes du micro. D’ailleurs il y a comme du John Bannon dans ses hurlements : le débat est ouvert, mais on se demande franchement s’il pourra tenir sur un 2ème album. Alors on va pas se faire chier à balancer tous les poncifs sous la dent avec cet art du riff consommé et cette morgue classieuse : ça sue et ça saigne sous les néons blafards. La batterie est littéralement martelée histoire de se frayer un chemin dans le rideau des guitares grasses. Entre ballades empoissées comme Uptown Blues et des morceaux beaucoup plus frontaux et incisifs comme Bad Slime ou Radiation Girl, on sent aussi des gros clins d’œil au punk américain à la DEAD BOYS… Et au mètres-étalon Stoogien, bien évidement.  La production étonnamment crade a ce petit effet madeleine de Proust que ne dénigreront pas les nostalgiques d’un certain âge d’or du genre (je vous rassure : il y a pas mal de genres et un âge d’or au moins à chaque décennies). Larsen sournois, distorsion et chanson d’amour ratées, je ne pensais pas qu’il fallait attendre 2024 pour renouer avec tous nos mauvais démons de vinyle… Go motherfucker, go


L'Un.

STABBING JABS : "s/t" (BeastRecords. 2024)

jeudi 6 juin 2024

HAINBACH "The One Who Runs Away Is the Ghost Soundtrack"

 « can you be homesick from a place you’ve never been ?"


On l’aime bien HAINBACH, avec sa bouille ronde, l’accent anglais made in Germany et son goût immodéré pour des pulls au design douteux. C’est le mec sympa et un peu old-school. Réconfortant, dans la nébuleuse hystérisée YouTube, avec sa façon posée de vous parler en vous fixant derrière ses lunettes professorales. Pas vraiment un influenceur à nous parler de vieux synthés d’une autre époque croisés sur son chemin et autres appareillages audio tout droit sortis de la guerre froide. Une profonde envie de partager son art consommé du DIY et du bricolage analogique. Le portrait type du passionné passionnant. Une pléthore d’albums qui sont un peu le carnet de notes de ses recherches (et découvertes) sonores. C’est souvent poétique, avec une patine grassement analogique. Parfois aride, à la limite de la démonstration. Et son dernier opus est peut-être une merveilleuse porte d’entrée pour un accès illimité dans son cabinet de curiosités oscillantes. Peut-être par cette homogénéité liée aux contraintes de la production : The One Who Runs Away Is the Ghost Soundtrack est une musique de commande, B.O d’un film dont on devine les contours troublants et oniriques avec le trailer : deux minots livrés à eux-mêmes et confrontés au spectacle de l’atelier du monde, l’industrieuse Shenzhen. Point de dystopie : le futur est bien là, avec ces gamins exposés aux radiations des signaux électriques et à la solitude des bâtiments. La post-modernité se veut douce-amère et l’éclairage au néon. Terrain idéal pour HAINBACH que ces errances flottantes propices à une musique d’ambiances analogiques d’arrière-plan, laissant les enfants à leur contemplations digitales. La musique est enveloppante, une certaine distance sur les (petits) sujets, caresse bienveillante de bandes magnétiques triturées dans d’infinies brumes d’échos…

 

L'Un.

HAINBACH :  "The One Who Runs Away Is the Ghost Soundtrack" (SeilRecords. 2024)