lundi 6 novembre 2023

ELODIE : "Vieux Silence" (ou : "pour en finir une bonne fois pour toute avec la musique ambient…)

Ad nauseam est peut-être ce qui qualifie le mieux mon rapport à l’ambient-music. Le genre est vaste, ramifié mais se perd souvent dans les vertiges de la pornographie technologique, des drones barbants à souhait, avec leurs textures léchées au millimètre, et bien évidemment l’écueil du mauvais goût du new-age, cette musique d’autoroute sans fond et de supermarché hagard débitée par palettes entières. Après tout comme me le confiait un pote autour d’une bière, l’ambient se résume finalement à une poignée d’albums et de musiciens pionniers (non, cette fois-ci je ne les citerais pas…) qui n’ont pas cessé d’être imités et déclinés à l’infini depuis.  La seule différence résidant peut-être dans les raccourcis confortables qu’offre une technologie (qui plus est abordable). Dur de se démarquer dans ce marigot déjà bien pavé et balisé par d’indépassables mètres étalons. Mais c’est peut-être là le dilemme commun à tous les genres, styles de musique actuels où il est difficile de se renouveler. Vaste débat stérile que quelques récentes sorties d’albums qui ont encore cette salutaire capacité de nous émerveiller rendent heureusement caduque (j'espère ne pas copier/coller ce laïus pour chaque chronique d'ambient muzak) 
 

 

Focus sur ce Vieux Silence donc. Et c’est précisément en sortant du cadre étriqué d’une ambient canonique que le duo d’ELODIE impose avec une douceur presque impalpable son style désuet. Secret jalousement gardé par une autoproduction confidentielle, ELODIE, c’est le projet d’Andrew Chalk et Timo van Luijk. Douzième album édité par un label qui a un petit pignon sur rue, Vieux Silence représente le sommet à peine visible d’un iceberg dont la base immergée n’a de cesse de fondre tant la chaleur semble suinter à chacune de leurs rencontres. Si le résultat trouble s’apparente à une dark ambient chargée d’échos mélancoliques, le procédé lui relève d’une musique de chambre close avec sa panoplie réduite d’instruments bien acoustiques (piano, clarinette, guitare). Musique d’esquisses évanescentes sous un lumière faiblarde, la superposition des motifs s’étirent et se croisent en un continuum au final plus organique et évolutif qu’un simple bourdon qui se contemple dans la stase. On pense aux vieilles boites à musique de notre enfance passées dans des filtres fuyants. Ritournelles hypnotiques de cette neige que l’on entend à peine tomber dans un crépuscule douillet, des voix hantées sorties d’un autre temps hantent l’album par leur silence imposé. En renouant avec une certaine tradition instrumentale contemplative, le duo d’ELODIE parvient à réinventer ces paysages intimes que n’arrivent plus forcément à nous proposer les productions à grands renforts de synthés surpuissants et autres réverbérations onéreuses. De quoi réconcilier tout le monde à commencer par moi-même. 

 

 

L'Un.

 

ELODIE : "Vieux Silence" (IdeologicalOrgan. 2022) 

 

 

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