Ce que nous nommons exotisme traduit une inégalité de rythme, significative pendant le laps de quelques siècles et voilant provisoirement un destin qui aurait bien pu demeurer solidaire. (Claude Levy-Strauss)
C’est cool, on va voyager. A peu
de frais. Destination Ténérife, poussières d’îles arides plantées au milieu de
l’océan, battues par les vents et les touristes en Crocs. Je ne savais pas en
revanche qu’on pouvait y rencontrer ce genre de trio de concasseurs de rythmes
chaloupés. Composé de Gonçalo F. Cardoso, Mladen Kurajica et Daniel García,
LAGOSS verse dans la polyrythmie luxuriante à sculpter ces petites vignettes
comme autant d’invitations au voyage vers des terres inexistantes. Il doit y
avoir une bonne poignée de boites à rythme désynchronisées en surchauffe dans
ce magma sonore et ce qu’il faut de glitches et stridences entre les patterns
pour combler les rares interstices laissés libres : ça foisonne là-dedans
à vouloir recréer une jungle imaginaire. Le groove est franchement tropical, nimbé de dissonances électroniques
et de nuages chargés de moussons synthétiques. C’est à la fois planant et enjoué,
à manipuler de la sorte un rétrofuturisme de bon aloi qui navigue entre l’équateur
et les années 80. Parfois vaguement menaçant, quand les morceaux se tordent en échos
distordus et flippés. Un petit condensé de cabinet de
curiosités faussement ethnographiques que n'aurait pas renié un Douanier
Rousseau un peu foncedé.
L'Un.
LAGOSS : "Imaginary Island Music, Vol. 2: Ascension" (Discrepant.2023)
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