Tiens ! Le Blues Explosion du Jon Spencer se reforme et nous
sort une galette. Leur teaser balancé sur la toile a su aiguiser les appétits
des quadra/quinqua naissants désespérément restés accrochés au mythe tenace
du rock n' roll sale et teigneux. Punk's not dead, you're next... Pour
ma part cette impression tenace qu'Orange, bande-son révélation de mes années
estudiantines est à peine sorti hier. Entre, quelques albums plus ou moins
intéressants (j'avoue avoir arrêté avec Now I Got Worry) suivis d'un hiatus de
huit ans. Album réunion donc, vrai casse-gueule tant pour nos musiciens aux
tempes grisonnantes que pour les chroniqueurs sur le retour (au crâne dégarni)
en quête de grain à moudre.La première
question, et la plus vicieuse, étant de saisir l'intentionalité de nos gaziers : plaisir des retrouvailles ou trivial money
talks ? Une première écoute balaie les doutes d'un revers classieuxet gominé : on retrouve le Blues Explosion
intact, la même alchimie de powertrio mal embouché qui a toujours su
allier la crasse de Pussy Galore à la classe d'un Rolling Stones (période
Exile, bien sûr), le petit dirty groove en plus. On ne change pas une
formule qui gagne.Du coup s’installe
cette impression tenace que le trio réactivé cherche à convoquer de façon trop
ouverte les séminales années CryptRecords qui ont forgé la légende : un poil
d'Orange, un cheveu de Crypt Style, une larme d'Extra Width (pour le groove
sec...) le tout passé au shaker:Boot Cut est à ce titre
exemplaire (mais pas moins efficace). Les morceaux se suiventet ressemblentparfois trop à un passé lointain. Ah ben oui
: on ne change pas une formule qui gagne, l'énergie réelle et la conviction
dégagées tout au long de Meat & Bonesse chargeant toutefois de compenser l'absence de cette urgence viscérale
des débuts. Plaisir réel aussi, d'entendre un Jon Spencer, voix enragée et tout
en harangue, qui en retrouvant ses vieux potes, a su abandonner les tics
chevrotants de crooner revivaliste de sa période HEAVY TRASH (un album aurait
largement suffit...). Formation resserrée et acérée qui s'en retourne à
l'essentiel et qui joue ce qu'elle sait le plus jouer sans se perdredans des chemins de traverse ou des
expérimentations stériles. Quelques tubes en puissance expédiés à la va-vite comme
Black Mold ou Bag of Bones, un jam funkisant (Get your pants off) histoire de
calmer le jeu et le tout est presque trop vite torché, emballé... et sous
pressé ; et là réside peut-être le vrai bémol, avec ce son cafouilleux et sans
relief qui rappelle précisément le génial Extra Widthprobablement passé à un poil (de Pussy Galore ?)
du statut d’œuvre culte pour cette même
raison. Les papattes de brute de Simmins et le crunchy de la guitare de Bauer méritaient
mieux, non ? Ce parti-pris délibéré ( c'est le Jon aux manettes tout de même) d’une éthique garage-rock cheap à tout prix amoindrit le potentiel
frontal du groupe, mais on ne doute pas qu’il est encore capable de coller une
bonne branlée en concert et de remettre sans ménagements les jeunes et nouveaux
prétendants à la place qui leur sied. Sans être un grand JSBx, on tient là un très bon cru, tout simplement ; it’s
only rock n’ roll, le reste on s'en fout…
L'Un.
The BLUES EXPLOSION : "Meat & Bones" (Bronzerat. 2012)
Réattaquons les chroniques par un morceau de choix…les Swans font partie de l’histoire du Rock, démarrant en 82, dans un post punk chaotique pour aboutir aujourd’hui à ce sommet. The Seer « le voyant » parle autant de leur vision du monde et de la vie, que s'attache à montrer en un épisode leur étonnante production protéiforme. Deux heures d’un panorama riche et subtil ou la puissance vous conquiert et vient incruster rythmes et mélodies dans vos esgourdes. Je citerai les morceaux références de cet album entre guillemets au fil de mes divagations…
Leur parcours se jalonne de rencontres, s’arqueboute au fil du temps, et des questionnements vers d’autres arts, se complexifie dans une intransigeance qui construit leur légende. Impossible de passer à côté des superlatifs avec leur position toujours à la lisière d’un ou plusieurs styles : du coup c’est du Swans, toujours.
Et au passage, ils ont construit les prémices du post rock en défrichant pour Mogwaï, filés sur la No Wave (« mother of the world ») new yorkaise ville dont ils sont issus, s’exilent facilement dans des étendues perdues (« the wolf ») quand l’envie leur prend de rendre acoustique leur son.
Car cela est rare, leur principal domaine étant le travail du son brut pour en tisser un maillage subtil : faire de la noise de précises harmoniques qui vous suggéreront d’insondables mélodies. Ce travail impressionnant trouve son apogée dans les concerts mémorables qu’ils ont pris l’habitude de donner. Un batteur, un percussionniste, un bassiste, trois guitares, et les six membres actuels à jouer des cordes vocales, voilà un solide line-up !
Même si ce travail de brute peut faire peur, laissez vous absorber par le morceau éponyme « the seer » qui s’étire sur 32 minutes sans un instant de trop. Constructions et déconstructions s’enchaînent pour libérer les instruments, les voix, les harmoniques et les mélodies, et prouver leur gestion inspirée de l’énergie. On retrouve dans cette masterpiece (désolé pour l’anglicisme) les fondements progressifs de leurs écoutes d’ados solidement installés, en douceur il faut le préciser, et ne soyons pas étonnés qu’ils puissent aussi inspirer du post hardcore comme Neurosis (dont je reparlerai très bientôt puisqu’ils sortent juste leur nouvel album…), référence à la moitié de cet hymne où tout est en suspension…
Même si quelques morceaux de ce double album sont de véritables transes, d’autres choisissent la concision pour déconstruire l’écoute bien confortable pour l’emballer sporadiquement, ou la tromper comme sur le « seer return » où l’on se persuade que cela va péter au fil de la montée…
Voilà donc un petit tour d’horizon de la première partie de l’album qui se ponctue par d’acoustiques soubresauts des instruments eux-mêmes, soulevés par des vagues invisibles, hoquetant de jaillissements électriques… « 93 av b.blues »…est la charnière.
On sait qu’on est en plein album concept, discours fleuve d’un monstre qui n’en a pas fini avec nous, ainsi qu'avec la musique et l’expression artistique. Je vous laisse avec la découverte de la deuxième partie, en précisant qu’une quinzaine d’invités (venant de Yeah Yeah Yeahs, Mercury Rev, Akron Family, Low...et encore leur égérie de longue date Jarboe) apparaissent sur ce pavé dans la mare rock pour en remonter les meilleurs sédiments.
Ce sont les prédicateurs éclairés d’un avenir encore chaotique pour mieux régénérer les marges tiédies d’un courant à vocation révolutionnaire (« song for a warrior »).
Swans’not dead !
Site des Swans : www.swans.pair.com
Label
du chanteur mickael gira: http://younggodrecords.com/artists/10-artists/32-swans les morceaux sont facilement trouvables sur les sites spécialisés ...