tranquillement dans son coin sombre, réunissant en rangs serrés la
fine fleur (ou les derniers mohicans) d'une certaine idée cathartique de la musique aux confins de l'électronique torturée et
des manipulation métalliques. Cette petite internationale
underground survit en autonomie totale, hermétique à ce qui
se passe, ce qui se dit, ce qui se fait. Et du coup que je m'invite
sur ton dernier projet en guest à brûle-pourpoint, et que tu
me remixes un de mes morceaux en retour, courtoisie et bon
voisinage obligent, et que se tissent tranquillement des petits
side-projects ovnis incontrôlables.
Il en va ainsi, le label, enchainant à
un rythme étourdissant les
parutions, avec peut-être une légère inflexion dans son âpre
ligne éditoriale.
Pendant ce temps là, « on »
vous aura convaincu que l'industrie du disque se meurt ma chère, et
que le téléchargement illégal c'est pas bien, c'est mal, et
que les grosses majors n'y retrouvent plus leur moutons (gras) dans
dans cette arène peuplée de têtes de veaux (de Panurge). Ben
voyons... Chez Ohm/Resistance, une bonne partie du catalogue est en
écoute gratuite, mais c'est bien connu : les riches ne prêtent
qu'aux riches et se reproduisent en partouzant entre eux alors que
ces pauvres de pauvres doivent avoir bien malgré eux le sens du
partage à défaut de mieux, mais c'est s'écarter de notre rapide
balayage de deux « récentes » productions chez nos
chouchous du moment (voir
les chroniques de BLOOD OF HEROES et GATOR BAIT TEN sur
le blog !).
Honneur à l'ainé, vétéran des
guerres infra-soniques, et pionnier à contrecœur d'un genre pas
vraiment défini, le dubstep, Mick « SCORN »
HARRIS nous revient moins d'un an après la sortie de « Refuse
: start fires » (même label), considéré comme l'album du
retour inespéré et de la créativité retrouvée de Sir (oh
l'insulte) Mick, qui prolongeait ainsi son œuvre en mutation
permanente après quelques années de graves incertitudes (malgré le
superbe « Stealth » en 2007).
Personnellement, j'ai toujours eu du
mal à situer un nouveau projet de SCORN par rapport au reste de sa
discographie. Peu de points communs entre le « Vae Solis »
d'il y a 20 ans et le présent EP, même si le premier encore englué
dans des restes de metal chauffé à blanc concentrait déjà
toutes les scories et ruminances ambient/dub/break beat du SCORN en
devenir . Mais l'espace entre chaque album successif est lui plus
ténu et semble plutôt obéir à une implacable logique
réductionniste qui force à douter sérieusement de la capacité de
l'artiste à se renouveler sur l'album d'après, s'il n'a pas décidé
de tout plaquer pour se perdre dans la pêche à la truite
entretemps...
Et « Yozza » vient en
parfait à-propos en forme de contrepoint.
Quatre titres donc et à peine 19
minutes qui pourraient sonner comme une petite compilation d'inédits,
dans le prolongement de « Refuse : start fires ». Sauf
qu'à nouveau le processus mutant est en marche et ce n'est déjà
plus une simple extension du précédent. Toujours ce fourmillement
d'ambiances souterraines appuyées par une rythmique nauséeuse et
cassante, et là aussi quelques parties de batterie « organiques »
(toujours assurées par Ian Treasey). La différence ici tient dans
un mix in the red qui
flirte dangereusement avec les limites théoriques d'une membrane
d'enceinte et un retour à la sacro-sainte trinité du dub, du vrai :
un beat sec et massif, des infra-basses à s'en péter la
rondelle et une avalanche d'effets.
Monolithique et impérial, SCORN nous
joue bien du SCORN, vecteur rampant de toutes les angoisses
claustrophobes et nauséabondes de son créateur englué dans un
espace-temps qui n'est pas le sien ; le notre.
Il y aura toujours une place réservée
sur l'étagère près de la chaîne pour un énième SCORN, si
celui-ci n'a de cesse de nous conforter dans son sens tout en
continuant de nous étonner.
Le cas SUBMERGED est ce qu'on appelle
dans le monde des affaires un bâton merdeux : avec le précédent
(et judicieusement nommé) « Violence as First Nature »,
il est plutôt difficile de plaider sa cause. Le ton est donné, même
si le titre de son nouveau brûlot laisse entendre un soupçon de
rédemption. Avant que ça crame, donc, je n'aimais pas trop
les gens...Ou quelque chose comme ça. Le « j'aime pas les
gens » est un mantra par trop souvent entendu , qui continue à
faire de bons scores à la une sordide de nos bons quotidiens
nationaux...
Alors avant que ça crame, Kurt GLUCK
aura effectivement versé de l'eau dans son vin mauvais : les deux
premiers morceaux sont apaisés et planent tout en volutes et...
arabesques. « Space Arabs » n'est pas très éloigné
d'un remix tranchant de feu MUSLIMGAUZE alors que « Nowhere
to Hide » porte nettement l'empreinte de Mick HARRIS venu
prêter main forte.
Des morceaux qui sonnent plus comme un
prélude qu'un tournant dans le travail du type. L'agressivité
suinte à chaque claque rythmique et on attend la suite : on attend
que ça pète. Les morceaux suivants (dont l'exemplaire « No
One ») sont exécutés à la tronçonneuse à chaine de bucheron et
arrivent à point nommés, assouvissant nos pulsions linéaires
violentes. Enfin...
Musique électronique saturée et
extrême, jamais loin du monde du rock dans sa tendance la plus dure,
avec des morceaux ralentisseurs en forme de stop & go,
probablement inspirés par les multiples rencontres et collaborations
du Colonel Kurt. Le diptyque final subtilement (sous-)titré
« Alive » puis « Dead » achève le set sur
une note d'Apocalypse selon St Kurt avec le crunch de guitare et les
inimitables imprécations de Justin K. BROADRICK.
Alors c'est CA, être en vie ? Dead
en revanche on le sait,
on l'est déjà tous.
Petite musique de nuit, suburbaine et
misanthrope à souhait aux confins de la sociopathie.
Ça ou l'odeur du napalm au petit
matin...
L'Un
SCORN : "Yozza" ep. (Ohm/Resistance. 2011)
SUBMERGED : "Before fire, I was against other people" (Ohm/Resistance. 2011)
Site de Karol Lasia aka KHOMATECH, graphiste quasi attitré du label
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