vendredi 30 mars 2012

AbSUrd : "Close to Distantly"

Petit bonheur d'internet, à des lieues de ce la litanie incessante des majors qui prédisent l'écroulement de l'industrie du disque, ne comprenant pas précisément que l'artisanat phonographique lui survit dans l'ombre, caché dans un repli de la Toile. On trouve toujours, contre toute attente quelque chose d'intéressant, de frais, de singulier et hors-circuit. Là, c'est dans le classement éclectique d'un best-of 2011 exigeant d'un blog qui a pignon sur rue qu'AbSUrd aura attiré mon attention. Peut-être la pochette, ou la position dans le classement hétéroclite, allez savoir. Ce que je sais c'est que cette découverte aura tranquillement illuminé les derniers jours de 2011 ; un peu à la manière de ces petites guirlandes lumineuses à la con qu'on met dans les sapins en cette saison. (ndlr : l'article a été écrit courant janvier 2012)
AbSUrd, donc, sans faute de casse.
Hip-folk ? s'interrogeait un autre bloggeur qui s'est penché sur cet objet musical non identifiable largement en avance sur le présent énergumène...  Pour ne pas le paraphraser (bien que cité !..), je lui accolerait timidement les termes d'avant-hop bien trippant, ce qui ne règle toujours pas la vaine tentative de définition de ce petit météore, rentrant de la sorte dans ma catégorie des « inclassable donc c'est bien ».
C'est le premier album du français sous son patronyme, celui-ci ayant auparavant participé au projet Murmur Breeze, fort de deux albums en collaboration avec le rappeur british James P. Honey.
En l'espace de 2 ou 3 ans il aura patiemment élaboré l'architecture et l'assemblage subtils et délicats à coup de samples, de boucles, et de beats, field-recordings et instruments acoustiques , tout en assurant la coordination d'un bon paquet d'invités rappeux (dont le James P. Honey de Murmur Breeze).  Un certain Jamesreindeer, assure tranquillement son rôle caché de cheville ouvrière du soliste, assurant une bonne partie derrière les instruments
Ce qui me semble différencier Murmur Breeze d'AbSUrd c'est la place de plus en plus prégnante des parties instrumentales climatiques sur celles vocales (rappées). Ces dernières sont discrètes, la production d'AbSUrd ne les mettant pas plus en avant qu'il n'en faut  ce qui homogénéise un peu plus l'ensemble. On ne sait pas trop de quoi ils parlent. De tout, de rien... probablement. Et l'important c'est qu'ils cadrent parfaitement à la figure de style imposée par ce petit univers sonore anguleux. AbSUrd a effectué un travail de composition insistant sur la tonalité et la cohérence, ne se limitant du coup pas au rôle plus attendu de monteur de boucles ou faiseur de rythmes qui est l'ordinaire de ce genre de musique, qu'on ait à faire à un petit génie ou un pâle copiste. Avec cet effort solo il s'est en quelque sorte extirpé du moule parfois un peu trop entendu.
Les vignettes s'enchainent sur un rythme de flux et de reflux étrange, empreints d'un onirisme lancinant. La musique tout autant que les textes est comme cousue de fil vaporeux entretenant ce flou inquiétant distillé tout au long de « Close to Distantly ». Là, un bourdon du sitar. Ici un arpège de harpe ou un riff à la guitare acoustique collé à une boucle de field-recording non identifié. On flirte plus qu'on ne le croit avec les franges d'une certaine musique contemporaine (on peut en ce rapprocher AbSUrd de Viktor Vaughn ou encore l'américain Sensational)... Au risque de se répéter, les instrumentaux ne sont pas un simple liant, un interlude entre les  morceaux chantés ; ils auraient même plus d'espace pour se développer pleinement. On glisse tout de velours trouble d'un univers à l'autre sans cassure ni secousse, plongé dans le continuum d'une narcose feutrée. Traversée inquiétante d'une enfilade de paysages péri-urbains désolés de vacuité derrière la vitre embuée d'un train. Ce malaise contemplatif qui s'installe, avec ce léger dodelinement de la tête autistique.
Un parallèle flatteur plus qu'une comparaison directe peut s'établir avec la bande-son du Ghost Dog de Jarmush par R.Z.A. Question d'ambiance et d'homogénéité.
Un disque qui risque davantage de plaire à un auditoire étranger au monde du hip-hop qu'au fan hardcore, s'il reste englué dans le stéréotype d'une musique qui tend à se ghettoiser, tolérant mal ces petites envolées géniales sur ses marges.
Un cd qui aurait tendance à s'attarder un peu trop sur ma platine ces temps-ci...

L'Un

AbSUrd : "Close to Distantly" (DecorativeStamp. 2011).
on peut écouter intégralement et/ou se procurer l'album directement sur Bandcamp.

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