Il en est de ceux qui, avec cet entêtement consciencieux, flirtent
dangereusement avec les limites inconnues d'une ascèse inutile,
empruntant des chemins solitaires sur les bas-côtés des routes que
personne d'autre qu'eux ne perçoit. Artisans mono-obsessionnels de la
beauté inutile et vite oubliée, le geste pour le geste.
Disciples perdus dans le brouillard electro-statique d'un Eno en auto-consumation lente (et contrôlée), nos deux évadés pourraient tout aussi bien s'inscrire dans la lignée confuse mais solide de ceux qui se revendiquent d'Eric Satie voire de Maitre Cage. C'est de ce qui se passe autour du piano qui nous
Disciples perdus dans le brouillard electro-statique d'un Eno en auto-consumation lente (et contrôlée), nos deux évadés pourraient tout aussi bien s'inscrire dans la lignée confuse mais solide de ceux qui se revendiquent d'Eric Satie voire de Maitre Cage. C'est de ce qui se passe autour du piano qui nous
intéresse donc.
Basinski a depuis longtemps fixé son choix et ses sons au moyen de dispositifs de bande electro-magnétiques mises en boucles, rejouées sur elle-même et diversement filtrées. On est rarement loin du drone. Chef d'oeuvre « accidentel », ses Disintegration Loops utilisent des bandes détériorées mise en boucle dont la mélancolie initiale du thème est renforcée par l'usure et le caractère irréversible du processus d'altération physico-chimique des bandes magnétiques usées dont le revêtement chimique. Petite histoire dans l'Histoire, Basinski était en train de transférer ses vieilles bandes sur un support numérique le jour où deux avions se sont écrasés dans des gratte-ciel. Scotché à sa fenêtre, sa musique en train de défiler devenait bien malgré elle une sorte de requiem 9/11. Une petite musique de désintégration lourde de sens.
Melancholia utilise aussi le matériau de bandes magnétiques d'enregistrements de piano ( ou parfois de synthés) dont on ne connait l'auteur ou la provenance, repassées et superposées à l'envi jusqu'à atteindre une sorte de disparition du motif sonore noyé en lui-même, entre contrepoints et échos assourdis. Ritournelles rattrapées par elles-même, qui semblent s'effacer dans l'instant dans une confusion qui ne manquera de générer ce sentiment de tristesse sans retour..
Ambiant-music réductionniste jamais loin de la disparition.
Si William Basinski se réclame ouvertement de l'héritage de Brian Eno (on pense immédiatement à son fameux Discreet Music), Asher Thal-Nir revendique pour influence directe, l'œuvre de Basinski (ainsi les travaux de Steve Roden) ; transmission inter-générationnelle. Sound artist discret de la côte Est, il gère parallèlement Sourdine, un micro-label qui publie le présent opus mais aussi les travaux d'autres musiciens comme le passionnant Christopher Mc Fall.
Là où Basinski accumule et brouille les strates jusqu'à l'effacement comme un travail de sape par le temps, Asher lui, use et abuse d'un concept à la fois en apparence simpliste mais désarmant : parallèlement à des enregistrements en boucle d'un piano erratique, est comme juxtaposé un bourdonnement continu de bruit blanc. Celui des ondes radios dans le vague ou d'une télé sans antenne. Souffle et crépitement indifférencié qui parasite la mélodie fragile derrière un beau mur de bruit sale et mouvant.
L'oreille en déroute effectue un va-et-vient incessant entre le bruit (« blanc ») et le piano.
Avons nous à faire à deux sources sonores distinctes simplement mixées ensemble par l'artiste ?
A moins que celui-ci ne se soit contenté de collecter de vieux enregistrements dont il aurait amplifié le grain du son.
L'anonymat des sources sonore et donc l'intention d'Asher débouche sur ce vague flottement : est-ce la nostalgie d'entendre les sons fixés d'une époque révolue ou ce sentiment est il faussement suggéré par la simple juxtaposition des matériaux sonores ?
Qui joue au piano ? Asher, un comparse enregistré, ou un fantôme du passé errant sur les ondes moyennes ?
L'équilibre est précaire et ravi(ve)t l'oreille interne.
Les deux musiciens interrogent et bousculent délicatement les concepts de suggestion et de nostalgie par ce parti-pris de l'altération ou du brouillage dans le traitement du son, et scellent de la sorte les premières pierres d'un manifeste opaque de rêveurs incompris qui cherchent surtout à poser les bonnes questions : celles qui restent sans réponses.
Pas si loin de Satie, donc ? La vraie question étant peut-être de savoir si lui-même aurait fait la même musique s'il avait vécu à notre époque.
L'Un
Basinski a depuis longtemps fixé son choix et ses sons au moyen de dispositifs de bande electro-magnétiques mises en boucles, rejouées sur elle-même et diversement filtrées. On est rarement loin du drone. Chef d'oeuvre « accidentel », ses Disintegration Loops utilisent des bandes détériorées mise en boucle dont la mélancolie initiale du thème est renforcée par l'usure et le caractère irréversible du processus d'altération physico-chimique des bandes magnétiques usées dont le revêtement chimique. Petite histoire dans l'Histoire, Basinski était en train de transférer ses vieilles bandes sur un support numérique le jour où deux avions se sont écrasés dans des gratte-ciel. Scotché à sa fenêtre, sa musique en train de défiler devenait bien malgré elle une sorte de requiem 9/11. Une petite musique de désintégration lourde de sens.
Melancholia utilise aussi le matériau de bandes magnétiques d'enregistrements de piano ( ou parfois de synthés) dont on ne connait l'auteur ou la provenance, repassées et superposées à l'envi jusqu'à atteindre une sorte de disparition du motif sonore noyé en lui-même, entre contrepoints et échos assourdis. Ritournelles rattrapées par elles-même, qui semblent s'effacer dans l'instant dans une confusion qui ne manquera de générer ce sentiment de tristesse sans retour..
Ambiant-music réductionniste jamais loin de la disparition.
Si William Basinski se réclame ouvertement de l'héritage de Brian Eno (on pense immédiatement à son fameux Discreet Music), Asher Thal-Nir revendique pour influence directe, l'œuvre de Basinski (ainsi les travaux de Steve Roden) ; transmission inter-générationnelle. Sound artist discret de la côte Est, il gère parallèlement Sourdine, un micro-label qui publie le présent opus mais aussi les travaux d'autres musiciens comme le passionnant Christopher Mc Fall.
Là où Basinski accumule et brouille les strates jusqu'à l'effacement comme un travail de sape par le temps, Asher lui, use et abuse d'un concept à la fois en apparence simpliste mais désarmant : parallèlement à des enregistrements en boucle d'un piano erratique, est comme juxtaposé un bourdonnement continu de bruit blanc. Celui des ondes radios dans le vague ou d'une télé sans antenne. Souffle et crépitement indifférencié qui parasite la mélodie fragile derrière un beau mur de bruit sale et mouvant.
L'oreille en déroute effectue un va-et-vient incessant entre le bruit (« blanc ») et le piano.
Avons nous à faire à deux sources sonores distinctes simplement mixées ensemble par l'artiste ?
A moins que celui-ci ne se soit contenté de collecter de vieux enregistrements dont il aurait amplifié le grain du son.
L'anonymat des sources sonore et donc l'intention d'Asher débouche sur ce vague flottement : est-ce la nostalgie d'entendre les sons fixés d'une époque révolue ou ce sentiment est il faussement suggéré par la simple juxtaposition des matériaux sonores ?
Qui joue au piano ? Asher, un comparse enregistré, ou un fantôme du passé errant sur les ondes moyennes ?
L'équilibre est précaire et ravi(ve)t l'oreille interne.
Les deux musiciens interrogent et bousculent délicatement les concepts de suggestion et de nostalgie par ce parti-pris de l'altération ou du brouillage dans le traitement du son, et scellent de la sorte les premières pierres d'un manifeste opaque de rêveurs incompris qui cherchent surtout à poser les bonnes questions : celles qui restent sans réponses.
Pas si loin de Satie, donc ? La vraie question étant peut-être de savoir si lui-même aurait fait la même musique s'il avait vécu à notre époque.
L'Un
William BASINSKI : "Melancholia" (2062 label. 2005)
ASHER : "Miniatures" 2xcd (Sourdine. 2009)
liens :
- Asher Thal Nir :
- Asher Thal Nir :
Cette miniature, ne serait-ce pas du Maurice Ravel ? Intéressant, en tout cas, et bel article.
RépondreSupprimerDionys
Ravel ? Tiens tiens !
RépondreSupprimer