Les vu-mètres de la blogosphère sont dans le rouge avec le dernier DISAPPEARS. Normal : c'est du rock qui renvoie discrètement à un certain post punk des années 80's et en ces temps de vaches maigres arty et de post-rockers gras, ce genre de parution relève du petit miracle anachronique, flattant les oreilles quadragénaires les plus blasées. Du coup on a droit à une avalanche de chroniques truffées de très flatteuses références comparatives qui s'abat sur « Pre-language » comme une nuée de mouches excitées flairant LE disque du mois, de ceux que le marasme actuel des productions calibrées et débitées au kilomètre ne laissait plus espérer. Avec ce 3° album qui s'inscrit dans le rai de lumière laissé par « Lux », son prédécesseur, les chicagoans se sont adjoint à la batterie les services sobres d'un certain Steve « SonicYouth » Shelley, celui-ci se retrouvant au chômage après la mise en veille du combo new-yorkais. Mais là s'arrête toute ressemblance ou analogie avec Sonic Youth, la musique de DISAPPEARS étant trop directe (donc efficace ?) pour se mesurer aux dissonances de leurs ainés. Un garage-rock séminal, mécanique et désossé à l'extrême qui claque froid et sec, enveloppé d'une couche de brume électrique scintillante de distorsions noyées de reverb'. Les sarcasmes de la voix nasillarde et monocorde du chanteur distillent cette menace sourde qui fait tout le charme suranné de l'album: ça renvoie à un Mark E Smith (The Fall) sous perfu. Si « Lux » flattait déjà nos oreilles dans ce même sens, c'est ici l'adjonction par petites touches d'éléments appartenant à un registre pop qui aère « Pre-language », le rendant de fait plus ouvert et accessible (le perché "Hibernation Sickness" en est l'illustration parfaite), sans pour autant rogner sur le caractère sombrement hypnotique et caverneux, marque de fabrique du groupe ; et là, les errements acides et rampants de "Joa" s'imposent. La réussite dans cet album tient peut-être dans le fait que DISAPPEARS nous jouent là crânement leur musique, au mépris des modes et du temps qui passe. Le genre d'album qu'on a toujours eu en tête et qu'on repasse à l'envie, vous replongeant dans les excès neutres et stériles de drogues pas des plus recommandables, lunettes noires de rigueur. Une plongée hallucinée dans le grand nulle part de la nuit sans fin au rythme du grésillement des néons blafards, la veste en cuir élimée. Genèse d'un langage oublié, on en perdra probablement notre latin et gagné à la place quelques sueurs froides insomniaques.
Une madeleine de Proust avariée et addictive.
Une place de choix sur l'étagère entre les Cramps, Wire et the Fall.
L'Un.
DISAPPEARS : "pre-language" (Kranky. 2012).
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