mardi 5 août 2025

LILITH (aka SCOTT GIBBONS & Rachel WILSON) : Stone, Orgazio & Redwing

 De se demander si ce blog n’est au final que la pauvre excuse avancée pour placer en douce 2 ou 3 vieux disques seulement, cette poignée de musiciens qui vous accompagnent et vous tiennent les tripes et obsède l’esprit encore intact depuis 10, 20 voir plus de 30 ans. Certes il y a la série « Les disques de L’un » qui recense quelques influences parmi d’autres. Mais pour ces disques clés, compagnons de l’intime, aucun tag, aucune catégorie. Juste une hiérarchisation intime à peine palpable. L’air de rien au fil des pages, on en a planqué 2 ou 3. Sans tag ni étiquette…

 

C’est parti pour un exercice de réhabilitation ou d’une exhumation, c’est selon, avec un certain Scott GIBBONS, inconnu à peine plus connu sous le pseudo de LILITH. Trois albums signés dans un anonymat relatif sur le label belge à tête chercheuse SubRosa au mitan des années 90’s. Trilogie heureuse et exigeante. On nage dans une musique acousmatique éminemment austère. Et c’est une économie de sources sonore qui prévaut, épousant le concept moteur de chaque album. 

 

STONE, paru en 1992, est peut-être le plus direct. Brut aussi au vu du matériau strictement minéral utilisé. Argiles et granites diversement grattés, frappés ou raclés, mais surtout triturés en studio jusque dans leurs finitudes acoustiques. Les patterns rythmiques qui en résultent sont sourds et semblent tout droit sortis de strates profondes ou caverneuses. Un exercice de style évident, forme et fond parfaitement intriqués que n’avait pas manqué le magazine The Wire, cataloguant Stone dans les meilleurs albums de l’année (dans sa catégorie, certes…).

Un an plus tard le musicien diplômé en philosophie des religions ne pouvait pas rater la figure controversée d’Alester CROWLEY, apôtre de la magie noire, des élucubrations à la 666 et tout le toutim. ORGAZIO s’empare de fréquences cosmiques de l’inaudible, de rares enregistrements vocaux et les formules kabbalistiques du triste sire pour retranscrire l’esprit dévoyé du truc. Le propos, lorsqu’il est audible, se fait âpre et rocailleux en cette vallée des larmes ; et vaguement incantatoire.

Pas des plus convaincants pour les profanes, les incrédules et autres agnostiques de tous poils, si ce n’est cet inconfort lancinant qui vous tenaille à chercher un sens au milieu des ténèbres.

Mais c’est avec le 3° opus que Scott GIBBONS pousse les idées avancées dans ses deux précédents albums dans leurs ultimes retranchements, et ce toujours dans cet esprit d’immersion ascétique. Les éléments vocaux de sa comparse de toujours, Rachel Wilson, sont le seul matériau sonore exploité pour des explorations qui s’étirent en longueurs impalpables. REDWING capte l’immanence de la respiration humaine, en un long panoramique à peine parasité. Souffle vital, humain qui là aussi débute aux frontières de l’audible pour se déployer en un long continuum aux boucles rituelles. Profondeur viscérale qui vous prend précisément aux tripes en épousant une forme diaphane et aérienne. Une musique calquée sur nos biorythmes qui est censée convoquer l’énergie sexuelle du corps (on pense au débauché Masturbatorium du HAFLER TRIO – même période). « listen in the dark - not alone » recommandait au passage Scott Gibbons…

La suite de LILITH est plus évasive, en pointillés ou lignes de fuite. Dans la foulée il y a eu un excellent FIELD NOTES sorti sur le label WorldDomination. Soient des errances électroacoustiques plutôt espiègles, à manipuler les masses et fréquences sonores sans but précis. Mais aucune trace sur la Toile ; peut-être dans les bacs à solde numériques…. Pendant des années, les traces du bonhomme n’ont de cesse de s’effacer, dans la poussière analogique, à mesure que l’hyper-connexion occupe les espaces vides. Les travaux de Scott Gibbons n’ont pourtant jamais cessé, que ce soit sous son nom ou sous d’autres alias. Musiques de commande pour le théâtre, la danse ou autres, il faut recoller les morceaux en piochant à droite et à gauche, sa page web ne semblant pas vraiment être à jour. On apprend même l’existence isolée d’un 5° album de LILITH, « Imagined Compositions for Water », sorte de Saint Graal du fan transi qui bouclerait la boucle en ajoutant l’élément liquide dans les recherches soniques de Gibbons. 

 

 

L'UN .

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