"Où ça nous mène, la folie des hommes. On court tout droit à notre perte." (La Classe Américaine)
Avec sa ligne éditoriale à la
fois pointue et ouverte, le label Thrill Jockey n’a jamais renâclé à proposer
dans son catalogue des musiques « extrêmes » même si ce n’est pas forcément
inscrit dans son ADN originel. C’est comme ça qu’au milieu de trucs
avant-gardistes, électro IDM ou post-machin on peut y trouver le trash débile
(et sans solo) des excellents OOZING WOUND, BUMMER, les lourdeurs (post-….) hardcore de PELICAN ou
encore le black-metal trendy des newyorkais de LITURGY. Du coup avec les
scories purulentes du dernier EYE FLYS, on n’a pas à craindre une quelconque
erreur d’aiguillage : l’auditeur avisé qui sommeille en nous sait par
avance que la qualité sera au rendez-vous. Et avec son noise-rock rampant
et régressif, le groupe comme échappé d’un cauchemar mécanique ne dénote en
rien. Mais dissone. Racle. Et inquiète. Alors certes, rien de nouveau sous les
horizons du bruit blanc, la formule a été rodée et élimée depuis longtemps, avec
des trucs puissants comme UNSANE ou n’importe quel groupe du label Amphetamine Reptile
régnant sans partage au milieu des faux-prophètes depuis quelques décennies. EYE
FLYS reprend les rênes et son bâton de pèlerin à la suite, à prêcher son blues tout
en profanes sursaturations. Alors oui, sans surprise ça sue, ça saigne et ça
bastonne mid-tempo alourdi. Frontaux, les assauts sonores baignent dans ce bain
d’huile mécanique du moteur diesel en rodage. Plutôt étonnant cet exercice de
lenteur au vu du background plutôt agité des gars (FULL of HELL, TRIAC ou
BACKSLIDERS). Probablement un prétexte pour
une réunion d’arrière-cour entre potes histoire de savourer ensemble une
tartine de verre pilé et quelques shots de liqueur amère pour faire passer. Attention
toute particulière pour le chanteur à qui on hésite entre l’adresse d’un bon oto-rhino ou
quelques séances de psychothérapie phase terminale. Et ainsi va la vie, à
régurgiter sa bile, son mal-être face au constat toujours plus affligeant d’un
monde qui part à vau l’eau… Alors ouais, tout ça on l’a déjà entendu et ressassé,
et c’est pas cet album éponyme et bien resserré qui va changer la face du monde.
A l’ouest des tropiques enfumés, rien de bien nouveau… Mais dans la catégorie grands
braillards au cœur lourd, si par un heureux hasard vous cherchiez encore le chainon
manquant entre HAWKS et les vieux misanthropes d’EYEHATEGOD, le charme vicié et hargneux d’EYE
FLYS pourrait combler tous vos espoirs meurtris et frustrés. Pour
notre part, on aura rempli notre quota de musique agressive pour cette année du
Dragon.
L'Un.
EYE FLYS : "s/t" (ThrillJockey. 2023)
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