« Ils peuvent t'assigner à comparaître. Ils disposent
de jurys d'accusation permanents réputés pouvoir mettre en examen un burrito ». (T. Pynchon)
La rencontre faussement inopinée
de deux bassistes ça mériterait pas de s’y arrêter, histoire de faire le
pendant à la rubrique Disques de Batteur qui saturent les pages de ce
blog ? Deux têtes de pioche avec leurs grosses mains à quatre doigts dont les
cv respectifs balaient le spectre de tout ce qui s’est fait en déviances
musicalistiques et autres rogatons sonores scrofuleux de la contre/sous-culture
américaine des trois dernières décennies. Les gars se sont croisés sur des
trucs comme Tomahawk (c’est du Jesus Lizard empâté - et surtout sans David Yow, donc chiant…),
Melvins (les derniers mohicans d’un rock efficace farouchement indé – et sympa
– qui a toujours eu tendance à interchanger les bassistes) ou encore Fantomas
(un peu comme du Mr Bungle mais en moins chiant). Si Trevor Dunn est surtout
connu pour faire partie de Mr Bungle (la fusion casse-bonbon des années 90’s
poussée dans ses retranchements – très chiant) et des collaborations au sein
des diverses formations du stakhanoviste John Zorn, Kevin Rutmanis lui est
surtout méconnu pour avoir fait partie des Cows, un quatuor irrévérencieux, déjanté
et surtout largement sous-estimé dans les eaux fangeuses de tout ce que les
bas-fonds de l’alt-rock US auront produit de cool (= vaseux) depuis
une trentaine d’années. En bref c’est beaucoup plus rocailleux et jubilatoire que
la musique de ces pleurnichards de Nirvana, mais nul n’est (faux) prophète en
son pays, surtout au sortir de cette décennie nauséabonde et clinquante que
furent les années 80’s… Il y avait donc une sacrée matière à conversation de
comptoir entre ces deux derniers mohicans des scène underground… La
collaboration s’est faite à distance, par échange de fichier. On imagine la
surenchère des gaziers à chaque réception dans la boite mail, « mais
qu’est-ce que je pourrais ajouter pour faire encore plus chelou, bien
chépère ? ». Parce que le résultat s’apparente plus à un
bricolage exutoire avec les miettes de leurs poches, quelques notes griffonnées
à l’arrache sur les bocks de bière (juste avant que le rade ne ferme). On
traine dans les bas-fonds sans fin d’une cérémonie de potlatch qui tient d’une
libation hallucinée dans les arrière-cuisines de Las Vegas Parano, même si on
n’est plus vraiment en quête du lapin blanc, à tailler sa couenne en pièces de
la sorte. Délibérément foutraque comme une tentative de free-jazz bâtard
tronquée dans une sorte de longue flatulence syncopée, on vacille entre la série
Z et la scie musicale. Télescopage de nappes, de textures et d’humeurs erratiques
où on cherche souvent la présence des basses dans ce cauchemar paranoïaque :
saturées, triturées à l’envi, rondes parfois elles sont souvent en embuscade à
cimenter ce corpus toxique de compos anguleuses. Déflagration à peu près aussi
digeste que la dose quotidienne d’opioïdes sous ordonnance de la ménagère
middle-class de moins de cinquante piges. Parce que ça devrait être comme ça
aussi, la musique estampillée « indie »
ou « alternative » : un truc de freaks.
L'Un.
DUNN with RUTMANIS : "Crackpot Whorehead" (Hepa-Titus. 2023)
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