Ad nauseam est peut-être ce qui qualifie le mieux mon rapport
à l’ambient-music. Le genre est vaste, ramifié mais se perd souvent dans les
vertiges de la pornographie technologique, des drones barbants à souhait, avec
leurs textures léchées au millimètre, et bien évidemment l’écueil du mauvais
goût du new-age, cette musique d’autoroute sans fond et de supermarché hagard
débitée par palettes entières. Après tout comme me le confiait un pote autour
d’une bière, l’ambient se résume finalement à une poignée d’albums et de
musiciens pionniers (non, cette fois-ci je ne les citerais pas…) qui n’ont pas
cessé d’être imités et déclinés à l’infini depuis. La seule différence résidant peut-être dans
les raccourcis confortables qu’offre une technologie (qui plus est abordable).
Dur de se démarquer dans ce marigot déjà bien pavé et balisé par
d’indépassables mètres étalons. Mais c’est peut-être là le dilemme commun à
tous les genres, styles de musique actuels où il est difficile de se
renouveler. Vaste débat stérile que quelques récentes sorties d’albums qui ont
encore cette salutaire capacité de nous émerveiller rendent heureusement
caduque (j'espère ne pas copier/coller ce laïus pour chaque chronique d'ambient muzak)
Focus sur ce Vieux Silence donc. Et c’est précisément en
sortant du cadre étriqué d’une ambient canonique que le duo d’ELODIE impose
avec une douceur presque impalpable son style désuet. Secret jalousement gardé
par une autoproduction confidentielle, ELODIE, c’est le projet d’Andrew Chalk
et Timo van Luijk. Douzième album édité par un label qui a un petit pignon sur
rue, Vieux Silence représente le sommet à peine visible d’un iceberg dont la
base immergée n’a de cesse de fondre tant la chaleur semble suinter à chacune
de leurs rencontres. Si le résultat trouble s’apparente à une dark ambient
chargée d’échos mélancoliques, le procédé lui relève d’une musique de chambre close
avec sa panoplie réduite d’instruments bien acoustiques (piano, clarinette,
guitare). Musique d’esquisses évanescentes sous un lumière faiblarde, la
superposition des motifs s’étirent et se croisent en un continuum au final plus
organique et évolutif qu’un simple bourdon qui se contemple dans la stase. On
pense aux vieilles boites à musique de notre enfance passées dans des filtres
fuyants. Ritournelles hypnotiques de cette neige que l’on entend à peine tomber
dans un crépuscule douillet, des voix hantées sorties d’un autre temps hantent
l’album par leur silence imposé. En renouant avec une certaine tradition instrumentale
contemplative, le duo d’ELODIE parvient à réinventer ces paysages intimes que n’arrivent
plus forcément à nous proposer les productions à grands renforts de synthés surpuissants
et autres réverbérations onéreuses. De quoi réconcilier tout le monde à
commencer par moi-même.
L'Un.
ELODIE : "Vieux Silence" (IdeologicalOrgan. 2022)
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