mercredi 5 juillet 2023

GODFLESH "Purge"

 Nous ne croyons pas à l'Enfer, nous sommes incapables de l'imaginer, et pourtant il existe, on peut s'y retrouver brusquement au-delà de toute expression. (W. Styron )

 

On pensait bien qu’on ne les y reprendrait pas, que Post-Self était peut-être leur dernier album. Justin K. Broadrick pensait quelque part avoir fait le tour du concept, préférant diluer névroses et colères dans des projets aux connotations plus ambiantes et introspectives. Et on ne lui en aurait pas voulu, après plus de 30 ans, une poignée d’albums cultes, et surtout ces concerts monolithiques qui ont tout bonnement réussi à retourner la peau du cul d’un public subjugué, terrassé. Impériale, l’ombre de GODFLESH n'a cessé de planer sur ce qu’on appelle, faute de mieux, les musiques extrêmes. Hiératique, à se renouveler sans cesse dans cette austérité sombre et implacable, GODFLESH est devenu au fil des années à la côtoyer une entité organique, bande-son presque tangible de nos pires cauchemars du quotidien. Mais la Bête reste chevillée au corps, à vous ronger les tripes. Que voulez-vous : de Pure à Purge, il n’y a qu’une lettre, le G de de gODFLESH, un pas, trois décennies et plus encore que jamais ce besoin irrépressible d’en découdre. Avec soi-même avant tout. Régurgitation exutoire et salvatrice pour un Justin K. Broadrick reclus. Vis de purge desserrée, ce 3° album depuis leur reformation se veut cathartique, urgent. Et rétrospectif aussi à inviter les samples qui faisaient le groove industriel de Pure, la guitare pitchée de Streetcleaner. Et cette putain de voix, frontale, directe, hurlée et plus écorchée que jamais. Album soupape. Réactivation viscérale d’un duo sur la brèche. Sur les premiers morceaux (LAND LORD en particulier), GODFLESH repart sur ses fondamentaux et marque de fabrique avec cet art du riff atonal en vrille, de la pulsation basse noyée dans la distorsion crasse, une rythmique martiale et désincarnée. De la chair fraiche pour tout fan lambda jamais rassasié. La suite est inégale, en intercalant des ambiances plus évanescentes vaguement shoegaze dans PERMISSION, la voix parfois noyée dans les échos. Des morceaux comme MYTHOLOGY OF SELF gardent cette férocité post-apocalyptique des morceaux les plus écrasants du duo, LAZARUS LEPER convoque plus que jamais la misanthropie mécanique de leurs débuts. YOU ARE THE JUDGE THE JURY AND THE EXECUTIONER clôture l’album en s’étirant sur un rythme ralenti, synthèse de tous les projets et obsessions intimes de Broadrick. Au final on en ressort passablement rassasié ; peut-être pas assez, si on s’obstine à essayer de réitérer l’expérience des débuts du groupe. Peut-être que précisément les multiples directions empruntées manquent de cette homogénéité qui rendrait l’ensemble plus massif et imparable (comme Hymns ou l'incontournable Streetcleaner). Peut-être la faute à une production chirurgicale un brin trop aseptisée qui ne convient pas à un groupe habitué à opérer sur des terrains plus abrasifs.  Peut-être aussi que le groupe a atteint sa vitesse de croisière, assumant une formule rodée et corrodée quasi inamovible depuis ses débuts. Ce qui est certain c’est que GODFLESH répond à un besoin compulsif et vital pour ses membres. Libre à l’auditeur de s’embarquer ou non pour une traque bruyante de leurs derniers démons planqués sous le tapis.

 

L'Un.

GODFLESH : "Purge" (AvalancheRecordings. 2023)

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