"sweating the blues" (R. Ward)
- ……
- Matt Ball.
Ah ok, c’est bon c’est bon, merci Julien. Avec ton don inné pour nous coller tes énigmes à la con on a là suffisamment d’informations pour appréhender ce petit brulot sonore tout en électrique introspection. Mais Amplified Guitar vaut mieux qu’une simple tirade de télé. Cet album nous raconte cette histoire simple et ancestrale, celle du chemin parcouru par l’électricité, des doigts pressés sur les cordes en passant par le câble jusqu’au haut-parleur (potar réglé sur 11…). Il nous parle de ce point de rupture, lorsque l’électrification prend le dessus sur l’instrument. Matthieu Ball joue avec les feedbacks d’une guitare atypique et préparée. C’est son truc, comme d’autres se sustentent avec des parties de sudoku effrénées dans le métro blême… Sauf qu’avec sa maitrise à la fois intuitive et réfléchie, il érige cette pratique forcenée au rang d’art et d’ascèse sonore. Il y a souvent au détour de cette avalanche de larsen empilés un semblant de notes égrenées ou de vagues échos d’harmonies vite étouffés. Des airs viciés de folk aux accents d’une americana souffreteuse et désolée ; comme si Neil Young avalait son manche de guitare en entendant le Metal Machine Music de notre célèbre nain mortifère (enfin Lou Reed quoi…) pour la première fois. Une aridité qui rapproche plutôt des errances d’un Dylan Carson (Earth), sauf que la musique de ce dernier traverse l’espace alors que Matt Ball est plus prompt à saturer ce même espace en travaillant sa matière de la sorte. Son rapport physique au son est viscéralement chevillé au corps et introspectif, grand mystique qui s’ignore et colle sans le savoir à cette sphéricité du son si chère à Giacinto Scelsi. Des morceaux à la fois puissants et intimistes, presque timides, lanternes sombres jetées dans une mer d’huile avant que ce travail de mise en boucle d’une énergie brute ne devienne cet océan de son en perpétuelle expansion. Un peu comme la colonne d’air des saxos de Borbetomagus qui remplissaient les bars dans lesquels ils sévissaient de leurs décibels indomptés : chaque époque à ses doux fêlés, pèlerins sans bâtons et autres activistes d’un son radicalisé. Et Matt Ball ne fait que perpétuer cette tradition de potaches jusqu’au boutistes du bruit blanc.
L'Un.
Matt Ball "Amplified Guitar (SouthernLord. 2022)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire