"La fin du monde est un concept sans avenir" (Paul Virilio)
On va pas se le cacher : il était attendu
depuis un sacré moment, le nouveau Delplanque solo ! Petit moment de
réjouissance en soi et trépignements d’impatience avant même de le jouer sur la
platine. Il en va de ces sorciers du son dont la musique tisse des écheveaux
qui rentrent en résonance directe avec la partie la plus enfouie de votre
cerveau reptilien… Après la verticalité de Chutes, ou un Drachen tout en
frémissements statiques, la question est de savoir où positionner O Seuil et sa
pochette à la verdure intrigante. O Seuil de quoi déjà ? De nos attentes
les plus folles ? D’une dislocation imminente, de la fin de la corne d’Abondance
(oui oui, ça on sait…) ? Ou encore d’une nouvelle direction que Mathias
nous inviterait à emprunter ensemble, en le franchissant ce seuil, comme tapi à
l’orée d’une forêt périurbaine (?)… Ah ah, probablement un peu de ça, et
un peu de tout le reste. Car si les choses semblent se caler d’une manière qui
nous semblerait presque coutumière sur les premières secondes de O Seuil #1, on
sent un glissement s’installer dans le modus
operandi avec cette note pulsative rampante qui ne nous lâchera plus
au fil des morceaux, évoluant vers des figures rythmiques plus ou moins hypnotiques. Au fur et à mesure s’invitent dans cet étrange carrousel ces lignes
mélodiques lointaines et hantées. Elles proviennent d’un instrumentarium que
l’on ne connaissait pas chez Mathias Delplanque. Pas forcément identifiées,
elles prennent place sur ce tapis de
frémissements sonores strictement contrôlés auxquels le compositeur nous avait
habitués. La direction empruntée oscille entre un post-rock diaphane et un doom étrangement
solennel, entachée par les vieilles habitudes de parasitages électroacoustiques.
Des field-recordings comme en
contrepoint espiègles parcourent certains morceaux renforçant cette lancinante sensation
d’une proximité en léger décalage. Disque aux titres éponymes qui se consomme comme
un long travelling sonore d’une bande-son statique et empesée. Et on tient
peut-être là une partie de notre réponse : après les précédent Chutes et
Drachen donc, O Seuil s’inscrit dans un ample mouvement panoramique, réponse
dystopique aux angoisses qui nourrissent notre époque et nous taraudent. Mais
Mathias Delplanque le fait avec une maitrise et une élégance qui restent là son
véritable savoir-faire.
L'Un.
Mathias DELPLANQUE : "O Seuil" (Ici, d'Ailleurs. 2022)
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