A l’heure où des groupes monolithiques et vieillissants
continuent de se repaitre sur le dos de la Bête déjà pas mal entamée avec des
sorties et rééditions anecdotiques voire crapuleuses, la très rare parution
d’un enregistrement de CAN, suscite toujours une attention particulière quand
on sait que les allemands documentaient leurs frasques sonores de manière quasi
systématique. Les brillantes Lost Tapes sorties de nulle part il y a une
10zaine d’année en sont une superbe illustration. A vrai dire, ces bandes là
proviennent d’un fan qui enregistrait méticuleusement leurs concerts avec
l’assentiment du groupe, et ce concert à Stuttgart est le dernier d’une longue
tournée d’un groupe au mitan de sa carrière. Délesté du chanteur Damo Suzuki
parti tutoyer le dieu des Témoins de Jéhovah, le CAN se recentre en quatuor d’instrumentistes
affutés, à la pratique fusionnelle et exigeante. Parallèlement, l’inégal Landed
(signé sur Virgin) est censé promettre au groupe une visibilité plus
commerciale qui n’arrivera pas vraiment. Mais en concert, le collectif rejoue
rarement deux fois le même morceau de la même manière, si encore il daigne
jouer un morceau de son répertoire. Car là on part pour un looong jam
introspectif, une de ces virées sans règle ni autre finalité avouée que de
tricoter des fulgurances cosmiques nimbées d’un groove au tribalisme acharné.
CAN ne ressemblait à rien alors, avec sa fusion avant l’heure de funk allemand
progressif faussement dilettante. Longues dérives flippées qui partent d’un
thème, d’une bribe de morceau vaguement identifiable (Landed par ici, peut-être
Ege Bamyasi par là…). Improvisations dont le fil déroulé s’étiole vers des
directions hasardeuses, des errances qui semblent s’attarder pour éclater en petites
combustions sonores extatiques pour mieux retomber sur leurs pattes. Si chaque
musicien est bien en place, les volutes d’Irmin Schmidt s’affrontant aux
envolées de M. Karoli, la basse pulsatoire d’Holger Czukay, c’est ce tempo à la
légèreté forcenée assénée par un Jaki Liebezeit métronomique qui ne cesse
d’étonner. On tient là un des grands batteurs de cette époque…. Au final,
l’ensemble peut s’avérer légèrement indigeste pour l’auditeur lambda de 2021. En
effet malgré une qualité d’enregistrement largement au-dessus du simple
témoignage sonore ou d’un bootleg opportuniste, un live de CAN ne restituera
jamais l’intensité physique de leurs performances d’alors. Quand une petite
minorité pourrait aussi regretter de ne pas retrouver les éléments qui pourraient
rappeler le chef d’œuvre Tago Mago… Gageons qu’Irmin Schmidt (le dernier musicien
encore en vie…) et sa compagne, sauront étancher notre curiosité avec la sortie de quelques
autres sessions live de derrière les fagots.
L'Un
CAN Live in Stutgart 1975 (Spoon/Mute. 2021)
(Bonus : les Peel Sessions de CAN......)
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