"Dans la nuit absolue de la réclusion, la bouche et les yeux ne font plus qu'un organe qui déchiquette l'air de ses dents transparentes... mais les organes perdent toute constance, qu'il s'agisse de leur emplacement ou de leur fonction... des organes sexuels apparaissent un peu partout... des anus jaillissent, s'ouvrent pour déféquer puis se referment... l'organisme tout entier change de texture et de couleur, variations allotropiques réglées au dixième de seconde..." (William Burroughs)
La scène de San Francisco est
habituée à nous produire toute une myriade de groupes un peu frapadingues, de
Chrome à Flipper, en passant par Oxbow, les Dead Kennedys aussi, ou plus
récemment Deerhoof... Et Mamaleek pose ses grosses papattes dans le marbre de
cette glorieuse et brinquebalante lignée, tels les rejetons cachés d’un inspecteur
Harry sous l’emprise de la Villageoise Margnat… Pour se donner une
idée du maelstrom dans lequel on prend pied, il suffit de se référer à la
chronique de leur « Come and see ». Tout est là et on va pas
réinventer la poudre ; eux non plus d’ailleurs, sur ce Diner Coffee qui reprend
leurs vitupérations là où elles s’étaient arrêtées sur le précédent. Il est
vrai que dans leurs débuts, la tendance affichait plutôt un black metal forcené
de belle facture. Mais le temps et la sagesse aidant aplanissent le cauchemar
séminal des débuts (jetez quand même une oreille sur Fever Dream), et Mamaleek
a emprunté la voie plus ou moins balisée des dissonances d’un rock noisy et
rocailleux à souhait. Chacun son chemin de croix dans cette vallée de larmes, et
au final les craintes de voir le groupe verser dans le mainstream s’estompent
aussi sûrement que les musiciens continuent d’opérer dans l’anonymat derrière
leurs cagoules en forme de sac de patates…. L’album démarre avec un rideau
d’éclats de rire sardoniques, entre nef des fous ou un dernier banquet. Le ton est
donné et l’expérience s’annonce déjà amère et grinçante, que les passages
soient tout de retenue feutrée ou explosent dans une orgie de grognements
exutoires. L’inconfort est de mise, à attendre le pire à venir, surtout pendant
les passages les plus déliés au groove délicieusement jazzy. Et l’équilibre est
parfaitement maitrisé dans cette mise en place ou soufflent le chaud et le
froid jusqu’au paroxysme en forme de point de rupture avec le Wharf Rats in the
Moonlight. Ce serait presque cliché de dire que Mamaleek est au sommet de son
art ; et malvenu vu que les albums se succèdent pour ne finalement ne pas
se ressembler, suivant cette ligne aléatoire et casse-gueule d’une exploration
qui débouche sur des horizons au terreau instable dont personne ne sait si on
s’en sortira vraiment entier. Car quelque soit son incarnation, de la plus
radicale à la plus accessible (comme avec notre Diner Coffee…), Mamaleek reste
un groupe de bêtes de scène qui vous crache à la gueule sa passion, sa rage et
ses doutes. Un groupe qui a fait de son introspection le moteur de sa
confrontation permanente. Alors venez et voyez : pour le reste, on
en discutera autour d’un café après diner….
L'Un.
MAMALEEK : "Diner Coffee (TheFlesenr. 2022)
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