Instrument à la fois subtil et
imposant, la harpe est à la rigueur associée à la musique classique, mais très
rarement aux musiques modernes, qu’elles soient « actuelles »,
« populaires » ou « amplifiées ». On peut citer Joanna
Newsom et son revival folk, ou le swing inattendu de Dorothy Ashby (aux
petits malins qui avanceraient Alan Stivell, on leur rétorquera qu'il s'git là de harpe celtique, ok ?). Loin d’en être à son premier essai, la versatile Mary
Lattimore a mis de l’électricité dans le corps de l'imposant instrument et s’est
associée au son de guitare fuligineux de Neal « Slowdive » Halstead,
qui produit l’album. Rencontre inopinée qui transcende ce que la harpiste avait
écrit jusqu’alors.
Effet fusionnel.
C’est un jeu de textures épaissies qui noie
l’ensemble, tout en donnant une vigueur inattendue à ces délicats tricotages de
cordes aux harmoniques enlevées. On est toujours à naviguer dans un entre-deux
cotonneux, dans le clair-obscur d’un cabinet de curiosité. Toujours difficile
de distinguer la part de mélancolie qui imprègne ces petites histoires contées
en filigranes, quand les compositions en dentelle disparaissent sous les échos
d’une brume électrique onirique. On pense très fort aux ritournelles des
mondes imaginaires de Coleen, qui se retrouvent là nimbées d’un voile de vapeur
trouble. Avec ce superbe Silver Ladders, Mary Lattimore se rapproche dangereusement de
contrées ambient que peu auront eu le courage d’aborder de la sorte ces
temps-ci.
L'Un.
Mary LATTIMORE "Silver Ladders" (Ghostly International. 2020)
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