mardi 14 avril 2015

Peter BRÖTZMANN "Noise of wings" / Caspar BRÖTZMANN "No home"

….it’s a family affair.


Brotzmann, père & fils, loin d’être un business florissant, c’est l’assurance d’une musique quelque part extrême, dénuée de toute concession.
Remontons la généalogie pour se concentrer sur Peter, le vieux.
Fils spirituel (et blanc), ou rare héritier direct de la ligne solitaire tracée par un Albert Ayler, il n’aura eu de cesse en plus de 40 ans de délivrer un jazz libéré et radical au travers de ses anches variées (diverses clarinettes, taragots ou saxophones…), où la forme est largement sacrifiée pour le fond, le cri primal ayant toujours été préféré à la note bleue. Un style qui, loin d’être des plus froidement techniques, possède ce grain et ce vibrato reconnaissables entre tous. Après avoir aligné une bonne centaine d’albums au compteur, au risque de se répéter, ce septuagénaire intégriste ne daigne déposer les armes. Au contraire, il les affûte auprès d’une relève fertile. Ce qui est intéressant dans certaines de ses dernières œuvres, c’est peut-être l’originalité de ses partenaires qui contribue au décloisonnement d’un genre parfois vacillant : on peut citer des musiciens à l’approche plus free-rock/ noise, comme Marino Pliakas/Peter Werthmüller (période «Full Blast»), Jim O’ rourke/Keiji Haino («2 city blues»), ou encore le batteur Peeter Uuskyla en duo dans l'éléphantesque « Born Broke », qu’il retrouve dans le présent album flanqué d’un bassiste à l’énergie en forme de déflagrations électriques. Les esquisses de territoires dessinés en eau forte sont faits d’attaques anguleuses et saccadées, de pulsations insistantes, cadre royal pour le perpétuel baroud d’honneur d’un saxophone viscéral et furieux qui a su recracher à la gueule du monde sa poésie inouïe, un souffle puissant, comme une ligne de vie sur le fil du rasoir.


Caspar le fils prodigue, grand escogriffe dégingandé, pochetron céleste emblématique d'un Berlin des années 80’s à jamais révolu. Si le propos électrifié reste tout aussi dense et virulent que celui du père, on ne peut pas en revanche comparer son œuvre qui s’inscrit dans l’ombre et en filigranes. On parle là d'un silence de plus d’une 10zaine d’année, même si le trio Caspar Brötzmann Massaker se reforme à l’occasion pour quelques concerts de circonstance.
« No Home », donc, en écho à un très confidentiel (et daté) « Last Home », où père et fils se la jouaient dans l’intimité d’un duo d’écorchés.
« No Home », où Caspar échange le Massaker pour aller chiper la section rythmique du daron (période « full Blast » donc) entre deux bières, la participation d’un vieux compagnon de route, l’ex-Neubauten F.M Einheit aux percussions métalliques sur 2 morceaux. Là non plus, on n’osait plus espérer de ce vieux cabochard de Caspar autre chose que ce mur sonore massif et plombé dont la charge lyrique est aussi lourde qu’un appel d’air vicié. Entre des fulgurances héritées du père et une approche physique du feedback qui convoque l’indépassable monolithe hendrixien, Caspar Brötzmann taille son chemin à grand coup de bruit blanc, emmené par une section rythmique d’implacables  voltigeurs (et un trop discret FM Einheit ?), lorsque le Massaker se limitait à un appui solidement ancré. Transsubstantiation ultime et réussie.

Kolossal.

L'Un.

Peter BRÖTZMANN : Noise of Wings (Jazzwerkstatt. 2012)
Caspar BRÖTZMANN : No Home (Trost. 2013)






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