La précédente chronique publiée en juin dernier relatait d’un come-back en deux temps inespéré de ce duo fondateur de la tendance la plus lourde du métal. Et il était justifié d’émettre quelques réserves formelles : le format 4 titres laissait sur sa faim après un hiatus de 13 ans, ouvrant des pistes improbables, du GODFLESH qui s’ingéniait à se rejouer sans se parodier, certes, mais trop compact et ramassé sur lui-même pour vraiment entrevoir une suite évitant certains écueils de mise. On pouvait aussi craindre que les atermoiements mélancoliques du (trop ?) prolixe projet JESU n’aient altéré la nature profonde de Justin K Broadrick, l’empêchant de remettre à flot sa part la plus sombre. Oiseau de mauvais augure, « A World Lit Only By Fire », balaie d’un revers de main cinglant les derniers doutes possibles. Madeleine de Proust truffée d’éclats de verre pilé qui nous charrie CE PUTAIN DE SON. Séminal. Une marque de fabrique que les progrès technologiques récents n’auront en rien altéré la charge primitive viscérale des débuts. GODFLESH revient parmi les siens, bien décidé à en découdre avec son époque. Ce qui frappe d’entrée, avec le bien-nommé « New Dark Age », c’est cette rage intacte dans la voix étouffée de Broadrick, en prise avec sa guitare tendue à l’extrême et toujours ponctuée de soubresauts épileptiques. C’est la basse pachydermique, distordue et sous accordée, surtout, cette basse nauséeuse à la pulsation imparable qui nous rappelle à quel point la force tranquille de Ben CG Green est fondamentale dans l’alchimie du duo. Ces deux-là sont indéniablement une paire de complices indéboulonnables qui avaient visiblement encore pas mal de choses à dire. Partenaires en crime parfaitement rebootés, Justin K Broadrick et Ben CG Green s’en retournent à leurs teigneuses amours de jeunesse, lorgnant de façon appuyée vers la proto-période des totalitaires « Streetcleaner » ou « Slavestate », quand le précédent « Decline & Fall » creusait son sillon dans la veine finale et désabusée de « Hymns ». Cauchemar urbain froid et implacable, les morceaux se succèdent, et finissent par fusionner dans un magma profane : c’est bien du GODFLESH. Un groupe qui depuis 25 ans colle si parfaitement à son époque. Peut-être parce que le monde dans lequel nous nous essayons à vivre n’a lui non plus cessé de rester figé dans une gangue morose qui rappelle l’imminence du néant à venir. Quelques moments exquis à se pâmer dans un état de stase sursitaire avant le Dernier Repas; « Forgive our Fathers » pour citer le plus étrangement apaisé de leur titre.
L'Un.
GODFLESH : "A world lit only by fire" (AvalancheRecordings. 2014)
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