Dans le désordre : Chrome Cranks. God
Bullies. The Jesus Lizard. Oxbow. Cows. Laughing Hyenas. Penthouse.
Fidèle lecteur, si au minimum
deux noms de groupes proposés ci-dessus ne te sont pas inconnus et
passent régulièrement sur ta platine disque poussive, alors n'en
lit pas plus et file directement écouter jusqu'à la nausée le présent
« Rub » interprété par HAWKS, dernière sensation
rauque en date. La fin du Monde n'est pas si loin.
Pour les autres, profanes et béotiens
aux oreilles ouvertes, il est temps de retrousser les manches et se
salir un peu les mains dans le cambouis encore fumant : on va
s'essayer aux plaisirs coupables d'un genre qu'on considère
régulièrement à l'agonie depuis une ou
deux décennies déjà : le rock. Je veux dire sa frange la plus
intraitable, qui s'escrime à exister à l'ombre des circuits
balisés, dans les arrière-salles de bars de seconde zone ; ces
bouges de province qui puent encore la clope (si si), le sol
poisseux de bière au gobelet. Car HAWKS fait partie de ces groupes
illuminés, artisans du bruit blanc électrique sauvage qui hantent
ces sous-endroits interlope laissant les rares spectateurs pantois,
persuadés d'avoir touché de près la queue de la Bête le temps de
quelques morceaux noyés dans un déluge sonique.
Ces natifs d'Atlanta sont
l'incarnation contemporaine qui a parfaitement assimilé la forte
influence de ces groupes sus-cités en introduction, archétypes de
ce qu'on appelle encore avec une nostalgie certaine la scène
noise-rock des 90's ronflantes (lecteur profane, une visite
rapide des groupes sus-cités s'impose donc... pick your king...).
Noise-rock est un terme que je
n'ai jamais particulièrement apprécié, voyant davantage dans cette
musique ainsi labelisée le blues sur-electrifié de blanc-becs de
banlieues paumées qui hurlent leur tripes faute de choper le groove
ou la note bleue. Punk blues donc ; pourquoi pas. Pardonne nous, Robert Johnson...
Et si les HAWKS ont parfaitement digéré
leur alphabet des accords électriques distordus, du blues ils en
auront phagocyté son désespoir, pour mieux
transcender l'héritage des ainés en collant leurs tripes,
leur morgue et toute l'énergie noire du moment.
On a du mal à s'arracher ici,
systématiquement chevillé au sol par des rythmes souvent ralentis et
marécageux. « Rub » est un monstre de compacité
oppressante, ce probablement du au mix mat et équidistant (mais trop brouillon, le bémol de l'album...) de Kyle "HarveyMilk"
Spence. La guitare
se joue à saturation naturelle, sans artifices, ni solo parasite (ou si peu), avec ce
qu'il faut de vibrato chauffé à blanc entre deux larsens. La
section rythmique épouse de près le propos et presse pesamment sur
le frein pour mieux s'offrir de petites accélérations entre les
rares brèches (« Late Bloomer », -vide ci-dessous- « Royalty »..)
; pour mieux rappeler que c'est meilleur quand c'est long, lent et
visqueux. Nul doute que ce chanteur à l'équilibre reptilien en
mode auto-combustion se pose en parfait frontman possédé et
totalement dérangé du bulbe. Le genre de gars qui aurait échoué
comme prédicateur pour l'Eglise des Saints Derniers Jours si ce
groupe n'avait pas été sa dernière bouée de sauvetage.
C'est rugueux comme un goût de papier
de verre dans la bouche qui ne disparaît qu'avec une bière de trop.
Chaque morceau distille un poison sans antidote et s'insinue
lentement au cœur de nos cellules mauvaises. C'est cru, ça sue et
ça saigne dans la lumière blafarde des néons grésillants, loin de
toute beauté à l'esthétisme bien pensé ; c'en est obscène et
obsédant.
Le plus frustrant est peut-être
d'extrapoler sur le potentiel scénique du monstre, si peu
probables étant les chances de les voir régurgiter leurs plaintes
brûlantes sous nos latitudes ingrates.
Le rock est mort ? Les HAWKS
prouvent le contraire en enfonçant le manche de leurs guitares jusqu'à la garde.
L'Un
HAWKS - "Rub" (TransRuin. 2011).
on peut écouter et se procurer l'album ici
WOW !
RépondreSupprimerChouette chronique !
Je suis en train de monter la tournée française du groupe pour début septembre.
Nouvel album courant avril.
A suivre de très près donc !
Au plaisir !
greg