dimanche 7 septembre 2025

DEADGUY "Near-Death Travel Service"

"Chantons la louange de Dieu, le Père de notre Seigneur Jésus-Christ ! Dans sa grande bonté, il nous a fait naître une deuxième fois en relevant Jésus-Christ de la mort. Nous avons ainsi une espérance qui fait vivre" (Première lettre de Pierre 1:)

 

 

Au début des années 90's, les groupes qui dessinaient les contours de ce qu'on appellerait plus tard metal-core ou autre math-core n'étaient pas légion. Une poignée de groupes confidentiels qui cherchaient à s’écarter de la tendance viriliste du gang de gros lourdaud à casquette sous testostérone qu’était devenue la frange la plus visible du hardcore punk. Leur propos sera plus viscéral, enragé et engagé le tout servi par une exécution plus anguleuse, une technicité hors pair en insufflant une bonne dose de métal. J’en oublierais forcément alors autant citer les pionniers et grands oubliés de RORSCHACH (deux albums, deux pierres d’achoppement). BOTCH ou CONVERGE évidemment, mais qui prendront quelques années avant de décoller... Au mitan des années 90’s débarque DEADGUY, avec son «Fixation on a Co-Worker », coup de pied dans la fourmilière en en forme de patate chaude. Le groupe avait déjà sorti un EP sous pressé déjà alléchant, mais avec l’arrivée de Keith HUCKINS (ex… RORSCHACH donc…) la dissonance s’invite, propulsant le groupe dans la puissance ravageuse d’un chaos rigoureusement organisé. La première minute d'écoute sur l'inaugural Doom Patrol donne un aperçu de la déflagration dont les échos n'ont eu de cesse d'influencer une tripotée de formations à commencer par des trucs comme DILLINGER ESCAPE PLAN. Un EP un album en forme d'uppercut. 

Puis rien. 

Le groupe est tombé dans les oubliettes ou les bacs à soldes depuis un bail. Tim Singer a donné de la gorge avec Keith HUCKINS (et la section rythmique de RORSCHACH) dans l'éphémère KISS IT GOODBYE, ou encore dans BITTER BRANCHES. Mais non : rien de plus et encore moins avec DEADGUY. Puis une trentaine d'années plus tard, l'annonce inopinée d'un nouvel album tombe sans prévenir. Avec un tel laps de temps on ne peut même plus parler de come-back ou de reformation. Alors vaguement goguenard, on peut s'attendre à l'insipide ou au pire.

Non.

 

D’emblée le groupe frappe fort avec un Kill Fee pied au plancher qu’écrasent littéralement les suivant Barn Burner et New Best Friend. Les gars se jouent de la pesanteur des années écoulées. Les hurlements de Tim SINGER sont intacts, les riffs restent vicieux et dissonants appuyés par une artillerie rythmique lourde : DEADGUY est réactivé. Les morceaux s’enchainent sur la corde raide, la rage contrôlée alternant parfois avec le groove rampant d’un Forever People ou The Long search for Perfect Timing. Il faut attendre le vague ralentissement de War With Stranger et sa progression tendue implacable, faux temps calme de l’album, pour tenter de reprendre son souffle.

 

Alors oui.

 

A l’instar de ce que j’avais pu écrire sur la réactivation de JESUS LIZARD, DEADGUY joue bien du DEADGUY. C’est sans équivoque et surtout sans aucun compromis. Les gars avaient visiblement encore quelques trucs à cracher à la face du monde, avec le plaisir évident de le faire ensemble. Ils jouent du DEADGUY revenu de tout dans un monde pourri qui n’a finalement pas beaucoup évolué comme l’illustre la pochette intrigante (au logo dispensable.). Bizarre d’évoquer cette bande de vétérans dans une époque où on trouve autant de formations estampillées hardcore que de morpions dans la culotte d’un chanoine. Sauf que ces gars-là ont précisément pavé la voie à toute cette descendance mal assumée. Un disque sorti dans un anonymat relatif. Qui valait bien une homélie bancale.

 

 

 

L'Un.

 

DEADGUY "Near-Death Travel Service" (Relapse. 2025)