Deux figures historiques de la musique minimaliste et percussive se retrouvent autour d’un rack de carillons de messe (des cloches quoi…), d’énormes tambours taillés dans la peau de la Bête, quelques percussions additionnelles et deux verres de cognac (pour le tintement), dans un potlatch appliqué qui tient autant du gamelan moyenâgeux que d’un rituel sombre et rigolard. Pour rappel, Stefan Joel Weisser, clope au bec, s’amuse à taper sur ses bambous métalliques sous le pseudo de Z’EV. Il a trop souvent été classé dans les pionniers de la musique industrielle alors que son art relève plus de la transcendance et du mysticisme. CHARLEMAGNE PALESTINE (aka Charles Martin), lui, fait tinter, vibrer et entrer en résonances cloches, orgues ou pianos jusqu’à une hypnose extatique ou régressive qui ravira les fans de Terry Riley ou La Monte Young. Sur scène, l’animal accumule les ours en peluche totémiques (et franchement régressifs…). Toujours en quête de collaborations fructueuses, ces deux-là se connaissent depuis une bonne vingtaine d’années, auront même croisé les fers sans pour autant avoir laissé traces de leurs ébats dans leurs discographies. SubRosa, label inspiré à la ligne éditoriale impeccable et fortiche, comble cette lacune et nos attentes avec ce superbe « Rubhitbangklanghear Rubhitbangklangear », album de duos qui prend le temps et l’aisance de se prolonger en solos sur le deuxième cd.
Hypnose schizophrène comme postulat de base : chaque note ou percussion respective se répond à elle-même avant de répondre à l’autre. Faux dialogue de sourd qui fusionne en un agrégat de flux harmoniques obstinés et contrastés. Au carillon éthéré à la régularité faussement binaire correspond en négatif un sourd grondement erratique et tribal. Fusion du cristal de forge et des entrailles animales du sorcier, quand profane et sacré font corps. Si les cloches de CHARLEMAGNE PALESTINE varient dans l’attaque, la rythmique et la tonalité au fil des 3 duos du premier cd, Z’EV fait successivement résonner, frotter ou vibrer ses peaux enveloppant le métal frappé d’une nappe poisseuse et tourbillonnante. Musique de bourdonnements, là où certains s’escriment (encore) à titiller un drone faiblard. Musique de transe, là où d’autres se heurtent à un état de stase stérile. Musique puissamment physique, et organique, là où la plupart se cantonnent à contenir la leur dans un disque dur aseptisé.
Monumental.
L'Un
Charlemagne Palestine + Z'ev : « Rubhitbangklanghear Rubhitbangklangear » (SubRosa. 2013)
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