« Lacrimosa » : ces
musiciens-là ne versent pas de larmes, peut-être seulement un adieu
aux armes habituelles à savoir une musique exploratoire en trio
classique (basse-piano-batterie) située aux marges du jazz et donc à
la tangente d'autres styles. Ils optent cette fois-ci pour un peu de
plus retenue en s'inscrivant dans un cadre strictement composé, sans
pour autant abandonner ce côté défricheur qui s'obstine à
toujours à se démarquer du pré-supposé milieu d'origine, libertaire
de mouvement oblige. Petit indice supplémentaire sur l'identité de
la musique des franco-suisses, le nom de leur formation est emprunté
à un titre de l'anglais Squarepusher, figure de proue d'une certaine musique
électronique. Le nom de ce 3° album vient lui, du répertoire lyrique... A nos mouchoirs. « Lacrimosa » ne comporte
que deux longues plages d'une vingtaine de minutes environ, ce qui
devrait suffire à une correcte immersion. Le titre éponyme commence
dans un brouillard d'accords de piano enchevêtrés aux faibles
variations tonales. Ce n'est qu'au bout de 3 minutes que la lourde
pulsation d'une cymbale ride se joint par intermittences à ce continuum
qui s'étire et se rétracte comme une respiration profonde. Le reste
des éléments de batterie et de contrebasse relèvent de l'économie
de moyen, noyé derrière un puissant écran
harmonique mouvant. Loin de la messe des morts traditionnelles, il
semble que PLAISTOW préfère s'attarder à méditer dessus, avec une certaine distance dans l'approche. On ne
pleure pas ses morts...
"Cube", le deuxième morceau s'inscrit en
négatif par rapport au précédent, la batterie donnant le
ton. La pulsation nerveuse et minimale est assurée par les trois
instruments, tandis que sont insérées des séquences rythmiques fougueuses qui se développent à partir d'un même schéma répétitif qui semble se chercher.
On navigue entre tension et détente qui se
rejoignent juste à temps en un long crescendo. Et on recommence. Si le morceau précédent empiète sur
les plates-bandes ouvertes de la musique minimaliste américaine,
"Cube", lui, ressemble plus au squelette d'un morceau électronique
interprété par des instruments "classiques" avec toute la puissance
volcanique du rock, pas moins.
On peut toujours rapprocher ce groupe
du travail très parallèle de The NECKS ou des égarements calibrés d'un BAD PLUS, mais Plaistow garde cette petite (et excitante) longueur
d'avance en se réinventant continuellement à interroger la forme de
la sorte.
Salutaire et trippant.
Ça valait bien
le paquet de Kleenex.
L'Un.
PLAISTOW : "Lacrimosa" (Insubordinations. 2012).
sur le SITE du groupe, on peut écouter, télécharger gratuitement mais aussi acheter l'album. Tout un état d'esprit !