« Rien ne me satisfait, rien ne me réconforte, et je suis saturé de tout ». (F. Pessoa)

Dominic Fernow est à ranger dans la catégorie « grands névrosés » : un boulimique bipolaire dont les partis-pris dérangeants et radicaux ne sont pas sans rappeler la trajectoire convergente d’un certain Justin K. Broadrick (Godflesh, Jesu, JK Flesh…), partenaire en crime sonique. Vatican Shadow est le pendant faussement apaisé de Prurient, troquant ainsi la rugosité cathartique des décharges électroniques pour les strates souillées d’un dub-industriel lancinant et vaguement menaçant. Oui oui, « on est pas bien, là ? » Ben vaut mieux parce qu’on s’en mange grave sur plus de deux heures et demie, à ramper mollement dans l’inconfort feutré d’un crépuscule sans fin. « Death is unity with God » prend le temps de s’étirer. Drone, pulsation, beats minimalistes lents, compressés et écorchés, la tonalité est résolument lo-fi, les volutes sombres et rituelles de Vatican Shadow semblent reprendre l’œuvre de Muslimgauze exactement là où elle s’est accidentellement arrêtée, se contentant de raccrocher les wagons en suivant le fil d’une Histoire contemporaine prophétique. Mais quand Bryn Jones (aka Muslimgauze) se posait en militant acharné de la cause arabo-palestinienne, Fernow, lui, se contente de proposer une contemplation froide distante et factuelle d’un monde à la dérive tiraillé de partout par les fondamentalismes en tout genre.
Musique narcotique d’un charmeur de serpents mécaniques, conteur muet et désabusé de temps modernes et apocalyptiques.
L'Un.
VATICAN SHADOW "Death is unity with God" (ModernLove. 2015)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire