jeudi 20 décembre 2012

Deanne IOVAN : "just like you & me"

Le modeste chroniqueur va être obligé de baisser son calbute avec la chronique qui suit. De temps en temps, il faut bien s'engager et défendre la production d'un(e) ami(e) ; quelqu'un que l'on connait et dont la musique vous a touché, à un moment donné. Je l'ai fait il y a pas si longtemps avec une production de Shoi (l'Autre, quoi...). Je lui avais envoyé un email à l'époque, à dame Deanne « Come-Ons » Iovan de Detroit, lui faisant part de mon intention de d'écrire quelque chose sur ce blog qu'on venait de monter de toutes pièces avec l'Autre il y a déjà 2 ans de cela. Puis rien : pas pris/eu le temps de me pencher sur cette petite perle ; une des plus merveilleusement discrètes de ma discothèque/caverne. Nous sommes tous coupables de petites lâchetés ordinaires à un moment ou un autre. J'avais reçu cet album en exclusivité dans la boîte à lettres, un matin de juin 2008. Pas moins de 3 mois plus tard il était devenu le disque de chevet d'un primo-exilé se démenant tant bien que mal dans un de ces trous du cul de l'Afrique des conflits, joué sur un mini haut-parleur de lecteur mp3 dans la chambre bouillante et infestée de sympathiques insectes exotiques.
Pour mémoire, Deanne Iovan aura auparavant pas mal usé ses doigts sur 4 cordes et ses cordes vocales au sein des Come-Ons, groupe garage-rock groovy et sautillant qui s'orientait l'air de rien vers quelque chose de plus froid, cérébral mais toujours dansant avec le dernier « Stars », injustement perçu comme une trahison dans l'univers coincé des aficionados français d'un garage-rock pur et dur (et ce n'est pas le e.p reprenant Donna Summer et s'encanaillant d'un remix « Detroit Techno » qui allait les persuader du contraire... ). Non, « Just like you & me », premier album en solo, s'adresse à vous dans le langage le plus direct et intelligible retenu par Miss Deanne, soit une forme de pop bricolée à la maison, finement ciselée et intimiste. D'elle à vous, simplement. Juste vous susurrer pas mal de choses à l'oreille, et sans trop compliquer les choses en question. N'étant pas un anglophone parfait, c'est son ancien batteur rencontré par la suite qui me confiait que cet album à la mélodie mélancolique, composé de bric et de broc synthétique, puisait pudiquement son inspiration dans l'épisode de la maladie dégénérescente d'un proche de la demoiselle, celui-ci ayant peine à la reconnaître. Avant de savoir, j'optais plutôt pour la bluette de ces  histoires d'amour adolescentes déçues à la patine caractéristique, délicieux grand bond nostalgique. Mais Deanne nous parle à nous, à cet être aimé, et à elle même ; en elle même. Comment transcrire en ces pages, avec des mots, ce sentiment de perte, de flottement et d'oblitération, seul et livré au vent, à l'écoute de « Middle of the world », un soir à vélo, entre chien et loup alors que je traversais un quartier mort en passe de devenir une de ces friches industrielles dont ils ont le secret ? Le morceau se distillait tranquillement dans mes oreilles cotonneuses réconfortées : « qu'est-ce que je fous là », simplement. En moi-même, certes.
Une de ces chroniques dont je n'arriverais pas à m'affranchir, trop directement interpellé par la voix orpheline d'une grande petite sœur que je n'ai jamais eu. Entre saut de l'ange et testament sans retour en arrière possible : la dame ayant je crois déposé ses instruments depuis.
Temporairement bien sûr...

L'Un

http://www.cdbaby.com/cd/deanneiovan
http://www.myspace.com/deanneiovan
http://www.thecomeons.com/mo_home.html

mardi 11 décembre 2012

DEATH GRIPS : No Love Deep Web

DEATH GRIPS : No Love Deep Web
Bon là je dois avouer que le cross over peut en effrayer: avant l’écoute bien entendu, car il suffit de poser quelques instants les oreilles sur ces nouveaux titres du duo infernal pour comprendre que l’alchimie existe en matière de musique. L’époque est aux fusions diverses, à la nourriture diversifiée, à l’inspiration à 360°.
Le dernier album du chanteur et du mr rythmes venant des Etats-Unis s’acharne à nous faire comprendre plusieurs choses simples : des rythmes basiques ne sont pas simplistes ; des scansions portent définitivement des paroles colériques et revendicatives ; il y a moyen de créer des morceaux intéressants avec le dubstep (personne n’en doute vraiment après avoir écouté autre chose que ce qui passe à la téloche) ; la TR de chez Roland n’est pas morte ; les majors continuent de prendre les gens pour des cons…
Pour ceux qui ont raté les albums précédents sortis depuis peu puisque cela ne fait que deux ans qu’ils jouent, ceux qui sont préssentis comme artistes de l’année par nombre de fans (et ils sont nombreux pour une fois dans le milieu de la périphérie musicale*), ont accompli précédemment plusieurs forfaits (ça tombe bien ça va être de saison) : Exmilitary, sorte de mix de leurs premiers morceaux, un Ep éponyme, puis Money Store. Là ils ont signé sur une major et sont en conflis pour des raisons de délais de sortie d’album. Comme d’habitude le marketing avait tenté de dicter ses règles sans prendre en compte ceux qui ont fait l’album ; résultat ils ont sorti l’album en téléchargement gratuit, et toc ! c’est le No Love Deep Web dont nous parlons aujourd’hui, exutoire prédestiné à l’aveuglement détestable d’entreprises attirées par le sepuko…
Pour ces trois issues sonores ils se sont adjoint un producteur axé sur le travail des sons et des compositions en pleine intégration avec les deux intervenants scéniques.

Leur positionnement indépendant leur permet tout, ou leur volonté d’être totalement libre les positionne en marge dans ce vaste « indépendant » qui est pourtant si populaire depuis le grunge. Eux n’en ont ni l’âge ni le désespoir, c’est plutôt avec force et sérénité qu’ils attaquent leurs morceaux, les dépouilles de tout ce qui pourrait diluer le propos, enfonce le clou par une furie contestataire. Zach Ill vient du punk et de la noise, il compose dans l’essence des choses et l’urgence du moment pour porter les paroles que défend Stefan Burnett ; il a collaboré entre autres avec le fameux Patton, Kid 606, ou encore les légendes Boredoms… ça laisse rêveur !

Alors ne pas s’arrêter à l’aspect synthétique des sons, en début d’album, se laisser choper par les rythmiques, les alternances d’aérien et de compulsif,et sentir la substantifique adrénaline monter dans les veines, la sueur couler le long de la colonne vertébrale lorsque au bout de trois morceaux vous aurez été happé par le mélange parfois proche du hip hop (version Saul Williams) au rock tendu et puissant. plus qu'une posture c'est de l'audace fondé sur un des meilleurs albums du genre de l'année.
Sacré mental à Sacramento !

L'Autre

*on désigne par là ceux qui sont autour de ceux qui font la musique : ceux qui en vivent par les critiques, émissions, concerts, éditions de disque (sauf une grosse major hé hé !...), oueb et autres médias… le chanteur dit se défier des médias.

mardi 4 décembre 2012

CAMERA : "Radiate"

Si, entre deux shots fatals de Jaëgermeister dans une taverne de Hamburg à 4h du matin en train de se débattre entre les pattes d'une serveuse géante, on tient vraiment à se payer une bonne tranche de régression revivaliste d'une période que peu d'entre nous auront vraiment connu, et qu'on apprécie le côté peine à jouir du rythme métronomique envappé de nappes de synthés de récup' prêts à lâcher, ce qui peut rassurer par ces temps de grandes incertitudes morales, on a peut-être là le disque qu'il nous faut.
Si vous croyez que c'est facile en terme de crédibilité, de faire semblant de s'enticher d'une énième production qui se borne à surfer sur le cadavre raidi d'un genre appartenant à une histoire et une géographie révolue (ouais : depuis l'Allemagne a été réunifiée, l'Europe est passée par là à grands coups de pompe au cul et le réseau autoroutier allemand hérité des 40's rugissantes est en cours de réfection...). Dans une société de petits hipsters narcissiques pour qui la classe décalée consiste en un recyclage permanent et douteux, faute d'inspiration, des trucs aussi ringards que le krautrock ou la synth-pop (mais je crois qu'ils sont depuis passés au heavy métal...) constituent le nec le plus ultra. Avec une pareille entrée en matière, nos discrets musiciens dont il est question dans ces lignes tordues ne peuvent plus que mettre en avant la légitimité de leur origine teutonne . Ça et le fait que des vétérans de cette scène (certes probablement sujets à de sérieux acouphènes vu leur âge canonique) aient tapé le bœuf avec eux. Imparable.
Pour être très honnête, en fait, on s'en fout complètement ; parce qu'avec son premier album, ce trio au nom impossible à retrouver sur un moteur de recherche, nous pond le plus simplement du monde un bon disque. Un disque de musiciens. Il faut certes faire abstraction de toutes ces vitupérations à la mauvaise-foi évidente sus-citées pour se plonger sans à priori dans cette heureuse surprise pour un automne frais. En formule trio, il est difficile de mentir longtemps, d'autant que les gars ont une solide expérience de terrains divers (toilettes publiques, passage souterrain...) fleurant bon le situationnisme attardé. Avec une guitare, un ou deux claviers et une batterie, on va à l'essentiel, sans digression et sans filet. « Ego », entrée en matière frontale, commence de façon musclée et carrée, rythmique implacable à la NEU! , accords lancinants et synthés lumineux pour un jam in die Scharzwald endiablé. Plus frénétique encore, dans une transe à scotcher les gonades au plancher, « Ausland » nous contraint à taper la mesure du pied, la tête déjà dans les étoiles et un verre de bière dans la main. Des plages plus calmes alternent, trips kosmiques de lendemains qui chanteront, ou pas  (« Morgen », et le carpentérien « Lynch »), avec toujours un son abrasif proche du live qui empêche de basculer dans la mièvrerie casse-gueule de l'option lissée du tout-synthé ; si c'est un truc que les nouvelles générations ont  su assimiler, c'est bien la maitrise fine de cet instrument lourdaud et bâtard.
Plaisir coupable à ne surtout pas partager, disque à passer en boucle dans sa bagnole, qui vous donnera au moins l'impression de ne pas être un pauvre naze, assis derrière le volant de votre bagnole, tout occupé à toucher ces étoiles lointaines au moyen de vos seules oreilles extasiées. La parfaite et sautillante alternative à la bande-son gluante du film de Nicolas Winding Refn.

L'Un

CAMERA : "Radiate" (Bureau-b. 2012)